Parmi les joueurs Stadia, certains ne connaissent pas forcément Resident Evil et pourtant, la saga horrifique de Capcom, dont le premier épisode est paru en 1996, est l’une des plus iconiques du monde du jeu vidéo. Et avec bon nombre de remakes, remasters et spin-offs, ce n’est pourtant “que“ le huitième opus canonique qui nous arrive aujourd’hui, vingt-cinq ans plus tard. Deuxième partie d’une trilogie mettant en scène Ethan Winters, c’est bien loin des sombres rues de Raccoon City où tout a commencé que l’éditeur japonais nous emmène. Bien loin également d’un passé à base de virus, de morts-vivants et de cette société pharmaceutique Umbrella Corporation qui a périclité au fil des années, une métaphore que Capcom ne souhaitait pas voir se concrétiser en proposant un virage à 180° à sa série. Pourtant, après un retour aux sources salvateur avec Resident Evil VII Biohazard, ce nouveau titre tente de se démarquer en renouant avec certains souvenirs lointains. Et il se pourrait bien que l’éditeur japonais ait fini par trouver l’équilibre presque parfait entre l’horreur retrouvée et les stigmates frénétiques du passé…
Trois ans plus tard, le cauchemar recommence
Trois ans se sont écoulés depuis le cauchemar qu’Ethan Winters a vécu en Louisiane quand il était parti à la recherche de sa femme Mia, portée disparue à l’époque. Les deux tourtereaux essaient aujourd’hui de couler des jours heureux dans un coin reculé, quelque part en Roumanie, surveillés et protégés par le BSAA, un organisme militaire luttant contre les menaces bio-terroristes. Mais difficile d’oublier un tel cauchemar, chacun essayant de gérer la situation à sa façon, quitte à se disputer régulièrement sur le sujet. Heureusement pour eux, un rayon de soleil est venu illuminer leur vie : leur petite file, Rosemary.
Malheureusement, un beau jour, cette nouvelle vie prend subitement fin alors que l’un des fondateurs même du BSAA, Chris Redfield – ancien membre de l’unité d’intervention d’élite S.T.A.R.S. – débarque et kidnappe Rosemary. Pourquoi ? Comment ? Ethan n’a pas le temps de se poser des questions qu’il se fait assommer. Lorsqu’il reprend ses esprits, il se retrouve le nez dans la neige, dehors par une nuit glaciale, le camion dans lequel il était transporté ayant visiblement eu un accident. Mais le froid sera bien le cadet de ses soucis par rapport aux nombreux dangers qui vont l’attendre dans cette contrée aussi horrifiante que spectaculaire, quitte à ce que ce Resident Evil aille lorgner vers un territoire fantastique auquel il n’est pas habitué.
Fantasy S.T.A.R.S.
Et Ethan Winters va vite déchanter en tombant rapidement sur un village reculé subissant l’assaut de monstres qu’il n’a jamais vu auparavant, même à l’époque, en Louisiane. Qu’à cela ne tienne, tout ce qu’il veut, c’est retrouver sa fille et quitter cet enfer. Parce-que l’enfer, il a déjà donné, pas question de recommencer. Pourtant, cela ne sera pas si simple d’autant plus que les souvenirs de la famille Baker vont lui paraître bien doux à côté des horreurs qu’il va découvrir. C’est en effet quelque chose qui nous frappe assez rapidement dans l’aventure et qui ne vous surprendra même pas si vous avez regardé les trailers du jeu mettant en avant allègrement le personnage de Lady Dimitrescu.
Autant on pouvait éventuellement reprocher à Resident Evil VII Biohazard un bestiaire limité et un casting timide mais c’est aussi ce qui faisait sa force : une aventure intimiste dans des environnements cloisonnés, digne des meilleurs films d’horreur. Ici, c’est tout l’inverse, on se retrouve avec un bestiaire un peu plus varié et, surtout, une galerie de personnages fantastiques, s’inspirant de certains mythes européens, aux pouvoirs mystérieux qui semblent leur avoir été accordé par une certaine “Mère Miranda“ dont le nom est sur les lèvres de tous. Très vite, l’objectif d’Ethan deviendra clair : il devra affronter les quatre cardinaux de cette figure emblématique dans l’espoir de sauver de sa fille.
Le parc à tes risques
Resident Evil Village est donc principalement découpé en quatre parties, chacune vous mettant à la recherche de l’un des sous-fifres de Mère Miranda dans le but de l’occire et de récupérer un objet qu’il garde bien précieusement. Si vous avez joué à la démo du jeu, vous connaissez bien évidemment le village qui est en réalité une sorte de zone centrale par laquelle vous repasserez régulièrement et inévitablement, et vous connaissez probablement le château, demeure de Lady Dimitrescu et de ses trois filles. On ne vous dévoilera pas l’identité des trois autres sbires qui vous barreront la route, ni même leur lieu de villégiature mais attendez-vous à du fantastique, à de l’exotique ainsi qu’à de la variété.
Telle une destination de vacances morbide, cet épisode est un véritable parc d’attractions avec différents univers à explorer et des manèges à sensations fortes à expérimenter. D’ailleurs, jeter un oeil à la carte du jeu donne l’impression de regarder le plan d’un Disneyland Paris mortuaire dont on chercherait désespérément la sortie. Et même s’il en ressort un sentiment d’ouverture après l’épopée claustrophobique en Louisiane de son prédécesseur, ne vous y trompez pas : les pérégrinations d’Ethan seront bel et bien linéaires même s’il y aura quand même de l’exploration pour les plus curieux.
Un équilibre presque parfait entre épouvante et action
Soyons honnête, c’était sans doute la principale crainte que de voir ce nouvel épisode balayer d’un revers de la main tout ce qui avait fait le charme et la saveur de l’épisode précédent. Mais il faut avouer que la position de Capcom n’est pas évidente. Cette nouvelle trilogie a insufflé un vent nouveau à la série, au moment même où beaucoup de nouveaux joueurs ont découvert la saga avec Ethan Winters. Comment s’adresser à la fois aux anciens qui connaissent les racines de la série et à ceux qui la découvrent seulement maintenant ?
Les japonais ont donc décidé de faire évoluer leur recette, en prenant tous les ingrédients de Resident Evil VII Biohazard qui ont été salués par la critique et par les joueurs, en les mélangeant avec les éléments clés qui forgent l’identité de son univers depuis toutes ces années. Manette en main, cela se concrétise ainsi par un résultat qui oscille entre le jeu d’aventure et d’épouvante et le jeu d’action, de véritables montagnes russes émotionnelles, donc, qui alternent avec brio les moments calmes et effrayants et les moments intenses remplis d’action, en particulier lors des affrontements contre les boss.
Et même si la dernière heure de jeu ne laisse plus aucune place à l’horreur, elle permet de proposer à ce nouvel épisode un final en apothéose où les révélations s’enchaînent au fur et à mesure que les balles fusent. Capcom s’autorise même des clins d’oeil aux fans de la première heure en distillant quelques informations faisant des liens insoupçonnés avec les anciens épisodes et qui les laisseront bouche bée. Une tentative, bien qu’un peu cachée – il faudra lire les différents documents trouvés sur votre chemin – de réconcilier tous les joueurs de Resident Evil, peu importe d’où ils viennent.
Le RE Engine, un moteur époustouflant mais…
Que ce soit ces moments épiques à souhait ou les passages plus terrifiants, tous sont sublimés par les capacités du RE Engine, le moteur maison de Capcom, qui montre une fois de plus qu’il en a dans le ventre et qu’il sait s’adapter à toutes les plateformes. De manière générale, Resident Evil Village affiche des environnements incroyables, bien plus ouverts que dans l’épisode précédent, et variés. Le village est criant de vérité, tout comme le fameux château de Lady Dimitrescu dont les couloirs recèlent de détails. Les autres lieux que vous traverserez ne sont pas en reste non plus : chacun d’entre eux bénéficient d’un soin tout particulier.
Il faut dire aussi que le jeu profite de jeux de lumière de toute beauté qui subliment ces nombreux décors. Que ce soit la lumière du soleil – qui baigne le village d’une atmosphère complètement différente à chaque fois que vous avancez dans l’histoire – ou la lumière traversant les rideaux, les reflets, qu’ils soient naturels ou non, sur les parois rocheuses ou les flammes, on voit que les développeurs japonais ont pris le temps d’étudier les moindres détails. On regrettera simplement que la version Stadia du jeu ne tire pas mieux profit de toutes les possibilités du RE Engine.
En effet, par rapport aux versions next gen, les textures sont légèrement moins fines, les effets de lumière sont moins flamboyants et on note aussi un aliasing très prononcé par endroits. À côté de ça, on a le droit tout de même à un 60FPS stable, sans broncher, mais sans doute parce-que la résolution dynamique oscille entre le 1080p et le 1440p. Si on devait placer un curseur, on placerait cette version Stadia entre les versions PS4 Pro / XBox One X et la version XBox Series X.
Heureusement, le moteur de Capcom permet d’obtenir un rendu fidèle et il est vrai qu’avec un flux upscale en 4K, beaucoup de joueurs ne verront peut-être pas la différence, ce qui serait une prouesse si on n’avait pas le sentiment que le résultat aurait pu être encore mieux. C’est comme si Capcom avait été un peu feignant en ce qui concerne ce portage, comme en témoignent ces temps de chargement, certes courts, mais inexplicablement présents. Qu’à cela ne tienne, saluons quand même le fait que Stadia est la seule plateforme de cloud gaming permettant de jouer à Resident Evil Village et que le résultat reste quand même très propre.
Duc, le marchand incontournable de vos préparatifs
En ce qui concerne le jeu à proprement parler, cette suite directe de Resident Evil VII Biohazard en reprend donc les bases, à savoir une vue à la première personne qui nous plonge directement dans l’action. Pour survivre dans ce cauchemar, Ethan Winters est toujours en mesure de se défendre avec différentes armes – couteau, armes de poings, fusils, lance-grenades… – dont le nombre a nettement augmenté d’ailleurs. Il faut dire que le nombre d’ennemis, aussi, a drastiquement augmenté et en cas de coup dur, vous pouvez aussi compter sur les sempiternels herbes vertes et remèdes de premier secours pour vous soigner.
Comme à l’accoutumée, votre progression sera régulièrement interrompue par des portes fermées, des mécanismes et des énigmes à résoudre. Mais n’ayez crainte, la saga Resident Evil n’est pas connue pour proposer des puzzles bien compliqués. Des indices très évidents sont là pour vous mettre sur la voie et si vous explorez bien les lieux que vous traversez, vous ne raterez très probablement pas les objets dont vous aurez besoin. L’exploration est d’ailleurs une composante très importante dans cet opus et vous débusquerez des trésors un peu partout ainsi que de l’argent, y compris sur les cadavres de vos ennemis.
Car nouveauté de cet épisode pour les nouveaux venus (ou retour en force pour les anciens), la présence d’un marchand – le Duc, qui se trouvera toujours sur votre route, au bon endroit, au bon moment – qui vous permettra d’échanger cet argent contre un stock d’armes et de munitions toujours bien achalandé. Et comme ce cher Duc aime beaucoup la monnaie sonnante et trébuchante, il vous permettra aussi de revendre tout ce que vous aurez trouvé pendant votre périple. Et croyez-nous, il va vous en falloir de l’argent pour augmenter vos armes au maximum et mettre toutes les chances de votre côté. Cet être étonnant s’improvisera même cuisinier afin de vous préparer des petits plats avec les nombreux gibiers que vous pourrez obtenir, plats qui augmenteront de manière permanente vos statistiques.
J’peux pas, j’ai inventaire
Avec autant d’objets à trouver, et quand on sait à quel point l’inventaire d’Ethan était ridiculement petit dans l’épisode précédent, vous seriez en droit de vous demander comment vous allez pouvoir gérer tout ça. Fort heureusement, le jeu propose pas mal de petites nouveautés dont la plupart sont appréciables et la plus importante d’entre elles est sans doute la gestion et la ré-organisation de l’inventaire. Déjà, l’espace disponible est beaucoup plus grand qu’avant, mais les objets prennent aussi plus de place. Non, le réel changement provient d’une autre similitude avec Resident Evil 4, le fait que l’inventaire est une grille de Tetris géante dans laquelle chaque objet occupe un certain nombre de cases et que vous pouvez – et devrez – déplacer régulièrement voire leur faire subir une rotation pour optimiser le nombre d’emplacements libres.
Mais vous n’y passerez pas non plus trop de temps car Capcom a eu la bonne idée de séparer les choses. Vous n’aurez donc plus qu’à gérer vos armes, munitions et objets de soins. Tous les objets primordiaux à votre aventure et les trésors sont regroupés dans des onglets spécifiques et ne vous demanderont aucune gestion. Si on ajoute à cela les extensions d’inventaire vendues par le Duc, vous ne manquerez généralement pas de place. Mais attention, vous serez malgré tout obligé de faire un choix au niveau des armes que vous souhaitez garder sur vous et, fait suffisamment rare dans la série pour être signalé, vous ne trouverez aucun coffre pour entreposer ce qui dépasse de vos grandes poches.
Ce jeu va me rendre chèvre
Dîtes au revoir à Mister Everywhere, vous ne le trouverez nulle part – ou presque – dans cet épisode. Mais n’ayez crainte, vous aurez droit à votre lot de “collectibles“ dans cet opus. Entre les 20 statuettes en forme de chèvre à détruire, les 47 documents à lire, les 16 armes à acheter ou à découvrir et leurs 22 pièces d’amélioration à obtenir, vous aurez de quoi faire ! De quoi augmenter la durée de vie du jeu qui s’étalera, en moyenne, entre 8 et 12 heures en fonction de votre façon de jouer. Vous pouvez bien évidemment terminer l’aventure en moins de temps que ça mais vous passerez sans doute à côté de pas mal de choses.
Si jamais vous trouvez la durée de vie un peu faiblarde, sachez toutefois qu’elle est nettement supérieure à celle de l’épisode précédent. Et cela ne tient compte que d’un seul run. Vous pouvez recommencer l’aventure plusieurs fois avec des niveaux de difficultés supérieurs (le plus difficile – Village des ombres – se débloque après avoir terminé le jeu une première fois) et pourquoi pas en profiter pour accomplir les innombrables défis que recèle le titre après avoir déverrouillé le mode “Challenge“.
La difficulté que vous allez choisir a son importance car outre changer certains facteurs comme les dégâts que vous infligez et recevez, et le nombre de balles nécessaires pour exterminer vos ennemis, elle modifie également certains éléments de gameplay comme leur IA. En mode “Facile“, les ennemis sont plus lents et moins agressifs par exemple. On peut noter aussi le fait que certains passages sont modifiés comme le fait que vous ne croiserez jamais par hasard les filles de Lady Dimitrescu dans le château alors qu’elles vous pourchasseront sans relâche en mode “Normal“ et plus. Le choix de la difficulté fait donc une réelle différence.
En effet, une fois que votre première incursion au village sera terminée, vous débloquerez une liste interminable (et rétroactive) de défis à accomplir tout le long du jeu. Vous en aurez même déjà accompli certains puisque les plus évidents sont liés à l’histoire et aux trophées. En revanche, vous remarquerez en parcourant cette liste qu’il y a pléthore de challenges bien cachés. Avez-vous pensé à casser toutes les fenêtres de la demeure de Lady Dimitrescu ? Avez-vous essayé d’ouvrir toutes les portes des toilettes extérieures présentes dans le village ?
Certains défis vous demanderont aussi d’accomplir certaines actions particulières comme par exemple tuer un boss en un temps limité ou réaliser des exploits comme terminer le jeu en utilisant le moins d’objets de soins possibles. Autant dire que ce genre d’objectifs est généralement impossible la première fois mais plus vous en accomplirez, plus vous obtiendrez de Points de Complétion à échanger contre de nouvelles armes, des munitions illimitées ou encore des figurines et concept arts à admirer dans la galerie.
Enfin, si vous en voulez toujours plus et que l’aventure principale ne vous a pas donné assez d’adrénaline, vous aurez également accès au mode “Mercenaires“ qui fait son grand retour ici. Il s’agit d’un mode de jeu purement arcade dans lequel vous devez parcourir certains lieux que vous connaissez en tuant le maximum d’ennemis et en réalisant le score le plus élevé. Des orbes apparaissent régulièrement pour vous octroyer du temps supplémentaire ou des bonus. Bref, en clair, si vous vous prenez au jeu, vous pourriez très bien passer une trentaine d’heures voire encore plus dans ce magnifique lieu de villégiature européen. Quand on aime, on ne compte pas, n’est-ce pas ?
ON A AIMÉ
+ Une aventure sans aucun temps mort, qui alterne épouvante et action intense
+ Environnements plus grands et plus beaux : le RE Engine fait des merveilles
+ Une fin en apothéose avec son lot de rebondissements…
+ … et qui appelle une suite ! Où est Resident Evil IX ?!
+ Une rejouabilité impressionnante pour les intéressés
ON A MOINS AIMÉ
– Ceux qui ont découvert Resident Evil avec l’épisode précédent seront un peu déconcertés
– Le portage Stadia est assez paresseux : le RE Engine peut mieux faire sur Stadia !
Resident Evil Village est sans conteste l’un des meilleurs épisodes de la saga de Capcom depuis sa création. Si vous êtes un nouveau venu et que vous avez découvert la série avec l’épisode précédent, vous serez peut-être un peu déconcerté en découvrant une expérience bien différente. Mais de manière plus générale, il faut bien avouer que l’éditeur japonais a probablement trouvé (ou presque) la recette parfaite pour son survival horror. Cette nouvelle aventure d’Ethan Winters alterne avec brio moments d’épouvante, séquences stressantes et phases d’exploration plus calmes, le tout mis en valeur par les prouesses du RE Engine. On regrettera quand même un portage assez paresseux du jeu sur Stadia mais pas de quoi vous gâcher les plaisirs de ce voyage en Roumanie qui ne vous laissera aucun moment de répit jusqu’à son final plein de rebondissements. Le moins qu’on puisse dire, c’est que pour ses 25 ans, Resident Evil n’a jamais paru en aussi bonne santé !