Phoenix Point : à vouloir trop en faire, le phénix n’y a t-il pas perdu des plumes ?

Si vous êtes un habitué des jeux de stratégie, vous connaissez peut-être le nom de Julian Gollop. Et si jamais ce nom ne vous dit rien, peut-être que “X-COM“ vous parle davantage. En effet, cette célèbre série de jeux inventée par ce créateur britannique a connu son heure de gloire dans les années 1990 et a perduré grâce à nombreux spin-offs et suites spirituelles. Mais rien qui ne soit sorti officiellement du cerveau prolifique de ce développeur qui, suite à des différents juridiques, a monté son propre studio – Snapshot Games. Et après un “Chaos Reborn“ très fantasy salué par la critique, l’homme de 56 ans revient dans une période plus futuriste avec Phoenix Point. Et justement, ne perdons pas une minute, faisons le point.

Ce test a été réalisé avec l’aide précieuse d’AtiZmO qui ne verra plus les céphalopodes de la même façon…

Entre réchauffement climatique et pandémie mondiale

En 2022, les scientifiques ont fait une découverte exceptionnelle dans le permafrost, cette couche de glace éternelle qui ne fond jamais et qu’on retrouve en différents endroits du globe. Un virus d’origine extra-terrestre qui ne ressemble à rien de ce qui est connu. En étudiant ce virus, ils ont découvert que tout être vivant qui rentre en contact avec se transforme en une véritable abomination. Mais à la fin de la décennie, le réchauffement climatique a fini par faire fondre les glaces, relâchant ce Pandoravirus – en référence aux monstruosités mythiques relâchées par la boîte de Pandore – dans les océans.

Il a fallu très peu de temps pour les mers du globe deviennent un vivier monstrueux d’atrocités et que ces monstres finissent par envahir les terres. Dans le même temps, au contact de l’air, le virus a muté, donnant naissance à un brouillard biologique contaminant tout être qui le respire. L’humanité n’était bien évidemment pas prête et ce fut une véritable catastrophe mondiale. Seules les personnes ayant eu le temps de se réfugier sur les terres les plus élevées ont pu en réchapper mais se retrouvant désormais dans un monde cauchemardesque.

Nous sommes en 2047. La civilisation telle que nous la connaissions a disparue, il ne reste que des havres de paix disséminés ça et là sur la surface de la planète et les rescapés tentent tant bien mal de survivre. C’est dans ce contexte qu’est activée une cellule du Projet Phoenix, une ancienne initiative mondiale et secrète dont l’objectif principal était de lutter contre toute menace planétaire. Et vous incarnez – ni plus, ni moins – que le chef de cette cellule. Autant dire que les enjeux sont à la hauteur de la catastrophe et que vous êtes littéralement le dernier espoir de l’humanité.

Phoenix Point est donc un jeu de stratégie au tour par tour dans lequel vous allez diriger les membres du Projet Phoenix. Réunis dans votre base – la Phoenix Point – vous allez devoir vous battre sur plusieurs fronts : non seulement vous lutterez contre la menace du Pandoravirus tout en essayant d’y trouver une solution mais en plus, vous apporterez votre aide aux différentes populations clairsemées. Mais avant tout cela, vous serez obligé d’étendre votre influence car en tant que cellule à peine activée, vous devrez tout faire pour consolider votre groupe. Tout est à faire et la tâche s’annonce gargantuesque.

Le désordre du phénix

C’est pour cela que le gameplay du jeu est lui-même divisé en deux pans différents et complémentaires, une partie dédiée à la gestion des ressources et de vos infrastructures et une autre focalisée sur vos sorties sur le terrain et votre lutte contre le virus. Dans tous les cas, de très nombreuses quêtes viennent vous aider à y voir plus clair. Il y a bien sûr la quête principale qui vous fera progresser dans l’histoire et dans l’univers de Phoenix Point mais également beaucoup d’histoires secondaires qu’il ne faudra pas négliger car elles représentent une source importante de matériaux mais aussi des occasions uniques de recruter de nouveaux soldats, d’obtenir de nouvelles armes et véhicules et même de créer des alliances politiques, économiques et stratégiques entre votre groupe et les différentes factions qui ont fleuri au sein des différentes cités de rescapés.

Il y a les Disciples d’Anu, un culte religieux mené par l’Exalté et qui est parvenu à créer des hybrides mi-humains, mi-aliens. Il y a aussi la Nouvelle Jericho, un groupuscule militaire dont le chef, Tobias West, est un ancien mercenaire devenu milliardaire. Leur but est des plus simples : disposer de la force de frappe la plus élevée pour anéantir les aliens à la source. Enfin, il y a le Synédrion, un rassemblement d’écologistes extrémistes qui souhaitent débarasser le monde de tout ce qui a pu le polluer par le passé, que ce soit d’origine extra-terrestre ou non. Vous l’aurez compris : chacune de ces factions a le même objectif mais des moyens différents pour y arriver. Entretenir des relations avec ces factions ne sera pas de tout repos, à vous de voir quelle vision vous paraît la plus appropriée pour mener à bien votre mission.

Globalement, vous vous rendrez vite compte que Phoenix Point est un jeu complexe, sans doute trop. On ne saura que vous conseiller de suivre avec assiduité les tutoriels ce sans quoi vous serez complètement perdu. Au mieux, vous ne ferez qu’effleurer les nombreuses couches que forme le gameplay du titre des développeurs bulgares, au pire vous ne parviendrez pas à progresser correctement et n’arriverez pas à continuer. Une complexité qu’on retrouve aussi dans le contenu du jeu, très généreux, sans doute trop (là encore) et qui peut vous perdre en cours de route ainsi qu’au niveau du Geoscape, votre interface principale, très vite surchargée en informations et objectifs à remplir.

You can’t escape the Geoscape

Ce Geoscape est là où vous passerez la moitié de votre temps. Car on l’a dit précédemment, l’une vos tâches principales sera véritablement la gestion de votre base et de vos troupes. Avec ses innombrables onglets et menus, vous pouvez passer votre équipe en revue, modifier son équipement, gérer vos ressources, vos infrastructures, etc. Plus encore que les minerais ou les plantes, la ressource qui vous sera sans doute la plus précieuse sera le temps car toutes les actions que vous allez entreprendre en ont besoin et le virus, lui, ne vous attend pas pour continuer son expansion et sa course effrénée vers la destruction totale de l’humanité.

Par exemple, vous pouvez créer de nouveaux bâtiments dans votre base ou améliorer ceux déjà existants (usines, entrepôts, centres de formations, générateurs, etc…). Ces différents bâtiments ont des fonctions propres comme l’entraînement de vos soldats ou la conception de nouvelles armes mais toutes ces tâches prennent du temps, tout comme vos déplacements sur la carte du monde. Il faudra donc bien planifier vos objectifs car si vous gaspillez votre temps, le virus en profitera pour étendre son influence. Il aura fait trop de victimes ce qui fait que vous recevrez moins d’aides de la part des survivants.

Tout se déroule ainsi sur une carte du monde très détaillée disposant de toutes les informations dont vous avez besoin, une carte sur laquelle apparaîtront non seulement vos missions sur le terrain mais aussi régulièrement des événements comme un message codé à intercepter ou l’une des factions qui se fait attaquer. D’ailleurs, vous n’êtes pas obligés de répondre aux appels à l’aide mais sachez toutefois que toutes vos décisions peuvent avoir une conséquence inéluctable et rendre votre partie beaucoup plus difficile. Devenir ennemi avec les trois factions par exemple peut vite devenir une grosse épine dans votre pied car vous serez attaqué plus souvent.

À ce qu’on raconte, tu as déjà eu affaire à ces bestioles ?

Au-delà de toute cette dimension stratégique, il y a bien évidemment les missions, ce pourquoi les membres de votre groupe sont taillés et prêts. Mais là encore, même si la dimension tour par tour fait irrémédiablement penser aux jeux de rôle tactiques, on se retrouve face à un gameplay qui se rapproche aussi des jeux de stratégie temps réel. En clair, une fois sur le terrain, vous ne pouvez pas voir ce qui se trouve en dehors de votre champ de vision, la carte se dévoile petit à petit avec vos déplacements. Chaque sortie sur le terrain commence donc d’abord par une phase de reconnaissance. Puis ensuite, lorsque vos objectifs sont à portée, le vrai conflit peut commencer. Vous déplacez vos unités sur des cases dont la distance dépend de plusieurs critères dont vos statistiques puis vous pouvez réaliser une action comme attaquer, soigner, lancer une grenade, fouiller l’environnement… chaque action coûte un certain nombre de points et dès que vous n’en avez plus assez, vous passez votre tour.

Le titre de Snapshot Games ne peut pas nier ses liens de parenté avec X-COM. De fait, on retrouve différents détails bien connus des fans de la saga originelle de Julian Gollop comme le fait de pouvoir se mettre à couvert derrière certains obstacles ou le fait de pouvoir exploiter son environnement pour se faciliter la vie. Le système de couverture n’est cependant pas pratique car non seulement il ne vous protège pas suffisamment bien mais il vous empêche beaucoup trop de viser correctement vos ennemis. Il y a un manque d’équilibre flagrant sur ce point, d’autant plus que l’IA ne fait pas dans la demie-mesure et fonce sur vous sans se poser de questions. Le lien de filiation se retrouve aussi du côté de la mise en scène avec une “action cam“ qui vous met au coeur de l’action dès que vous réalisez une action.

Au fait, c’est quoi la lutte des classes ?

Votre escouade est composée de six membres qui sont affiliés à une classe spécifique. Il y a le soldat qu’il ne faut pas sous-estimer car il peut apprendre des capacités très importantes, l’artilleur et ses armes lourdes, le sniper sans équivoque pour tuer ses cibles à distance, le technicien, à mi-chemin entre soigneur et support mais aussi l’espion, dont la discrétion est sans pareil, le berserker qui est le plus puissant de vos atouts au corps à corps et le prêtre qui, contrairement à ce que son nom laisse penser, ne soigne pas ses alliés mais au contraire est expert dans la manipulation mentale de ses ennemis. Vous avez donc un large panel de possibilités d’autant plus que vos soldats peuvent, au bout d’un moment, se perfectionner dans une seconde classe et c’est là que Phoenix Point montre toute son étendue stratégique avec la possibilité d’utiliser des capacités de deux classes. Et bien sûr, il existe différentes approches et liens privilégiés à trouver. À vous de composer les mélanges qui vous semblent les plus pertinents.

Chaque bataille que vous allez mener est aussi l’occasion de remplir différents objectifs annexes. Ces objectifs peuvent rendre le combat bien plus difficile mais le jeu en vaut la chandelle. Cela permet d’une part, de pimenter des batailles qui sont un peu trop souvent les mêmes (protéger un bâtiment ou une ressource, évacuer des civils ou attaquer une cible définie) et surtout, d’autre part, d’obtenir des points d’expériences supplémentaires non négligeables. Heureusement, malgré la relative monotonie de vos objectifs, c’est du côté du bestiaire que vous trouverez de l’originalité et des nouveautés. Vos ennemis vous opposeront régulièrement de nouvelles résistances vous obligeant à revoir votre approche.

ON A AIMÉ
+ Un jeu très généreux en termes de contenu
+ Le système de factions
+ Des choix à faire, lourds de conséquences
+ L’encyclopédie in-game n’est pas de trop devant la complexité du jeu

ON A MOINS AIMÉ
Un jeu très complexe qui ne se laisse pas appréhender facilement
On est très souvent interrompu par de nombreux messages et cinématiques
Le système de couverture manque d’équilibre, et donc d’intérêt
La gestion de l’inventaire aurait pu être simplifiée
Beaucoup d’objectifs, au point de s’y perdre un peu

Lors de sa sortie sur PC, Phoenix Point a rencontré un succès sans précédent, devenant l’un des meilleurs jeux de stratégie de ces dernières années. Et avec un portage Stadia de haute volée, il ne démérite pas non plus ce statut sur la plate-forme de cloud gaming de Google. Pourtant, les grandes qualités du titre de Snapshot Games ne sont pas évidentes à voir au premier coup d’oeil. Très réussi et très complet, sans doute trop, le jeu de rôle tactique et de stratégie de Julian Gollop ne se laisse pas appréhender avec facilité mais pour qui sait persévérer, on découvre un jeu généreux, à l’histoire intéressante et au gameplay prenant malgré quelques imperfections. Si vous aimez les jeux de rôle tactiques et les jeux de stratégie, on ne peut que vous conseiller cette épopée post-apocalyptique sous fond d’invasion biologique extra-terrestre.

Ce contenu est cool ? Partage-le !