Les jeux indé ont cette particularité qu’ils nous permettent souvent de découvrir des univers ou des gameplay originaux et uniques, le genre de prise de risque que les studios plus importants ne peuvent paradoxalement pas se permettre. Et autant vous dire qu’avec Epistory – qui se veut être le premier volet de ces “chroniques de la dactylographie“ – les développeurs de Fishing Cactus cochent toutes les cases en nous proposant un monde avec lequel vous devrez interagir grâce à votre clavier. Mais détrompez-vous car derrière ce concept qui pourrait en rebuter plus d’un se cache une aventure unique en son genre qui se parcoure avec plaisir. Laissez-nous vous lire tout le bien qu’on en pense.
Le syndrome de la page blanche
Pour certains, cela semble facile mais en réalité, écrire un livre est une tâche d’une ampleur pharaonique et qui peut mettre son auteur dans une situation délicate. Souvent emprunts d’éléments personnels, ces récits peuvent nous confronter à nous-même et nous mettre face à nos démons. Vient alors la plus grande hantise de l’écrivain : perdre l’inspiration et ne plus réussir à écrire.
Une voix résonne au loin… c’est la voix d’une femme, une autrice qui se retrouve justement dans cette situation compliquée et qui essaie de retrouver son inspiration perdue. Vous allez ainsi incarner la muse de cette personne, matérialisée par un avatar d’elle-même chevauchant un renard à trois queues, qui se retrouve dans un monde vide de sens qui va se dévoiler progressivement sous vos pieds. Petit à petit, vous allez vous rendre compte que cette épopée est en réalité une véritable introspection à travers les souvenirs de l’écrivaine, embués de ténèbres et de démons.
Le chemin parcouru est donc très narratif mais même si le sujet peut paraître intéressant, l’histoire elle-même n’est guère passionnante et se veut être avant tout un prétexte pour donner du corps au gameplay et aux riches idées du titre. On ne prêtera que peu d’attention aux nombreux textes qui s’affiche sur le sol en toute discrétion (parfois trop, même) pour se concentrer sur nos pas et sur nos doigts.
Un joueur AZERTY en vaut deux
Epistory est donc un jeu d’aventure et d’exploration en vue isométrique où vous allez devoir utiliser vos compétences dactylographiques pour avancer et pour vous défendre. Autrement dit, c’est à l’aide de votre clavier que vous allez pouvoir progresser, battre les ennemis qui vont se mettre en travers de votre route et résoudre de nombreuses énigmes. Pour vous déplacer, les développeurs belges vous proposent par défaut une façon de jouer censée faciliter la saisie au clavier. On vous suggère ainsi d’utiliser les touches E/F et I/J pour vous déplacer mais en pratique, nous avons préféré utiliser tout simplemen les touches Haut/Bas/Gauche et Droite.
En appuyant sur la touche “Entrée“ ou “Espace“, vous entrez en mode saisie. S’il existe autour de vous le moindre élément avec lequel vous pouvez interagir, un ou plusieurs mots apparaît au-dessus et vous devez taper ces mots sur votre clavier. Il peut s’agir d’éléments à détruire, de coffres à ouvrir ou et d’ennemis à tuer mais dans tous les cas, vous devez compléter la liste de mots pour obtenir votre récompense ou tuer votre adversaire. Autant vous dire que ce jeu va réellement mettre vos compétences dactylographiques à rude épreuve.
À la manette, on en perd ses mots
Même si le concept d’Epistory impose de fait d’utiliser un clavier, le titre peut être entièrement parcouru avec une manette ce qui apporte obligatoirement quelques changements au niveau de la jouabilité. Vous pouvez alors oublier totalement votre dictionnaire, les mots sont remplacés par les touches A/B/X/Y de la manette (ou Croix/Carré/Triangle/Rond si vous branchez une manette PlayStation).
De même, vous pouvez utiliser les touches directionnelles pour alterner entre vos différents pouvoirs. Mais attention, point d’excès d’orgueil, même si cela semble rendre le jeu plus facile de prime abord, on se rend compte en essayant les deux que les suites de boutons à appuyer à la manette sont plus compliquées voire plus longues que les suites de lettres à saisir au clavier. Au final, on constate un certain équilibre dans la difficulté proposée en fonction de la jouabilité choisie donc faîtes tout simplement en fonction de vos affinités.
Pour vous aider dans votre voyage, vous pourrez compter sur l’obtention de nouveaux pouvoirs assimilés aux éléments fondamentaux de la fantaisie classique comme le feu, l’eau, le vent et la foudre. Rien de très original, donc, mais ce qui l’est beaucoup plus, c’est son application par rapport au gameplay du jeu. Déjà, vous ne pouvez utiliser qu’un seul élément à la fois donc si vous souhaitez changer de pouvoir, vous devez saisir au clavier le nom de l’élément correspondant. Cela implique une certaine gymnastique des doigts et ajoute une bonne dose de stress lors de certains affrontements d’ailleurs.
Toutefois, chaque élément dispose d’un effet particulier pour vous prêter main forte. Le feu, par exemple, vous permet de brûler le mot suivant dans la liste que vous êtes en train de saisir, un effet qui s’apparente à des dégâts périodiques bien connus des amateurs de jeux de rôle et qui va vous permettre de tuer plus facilement vos ennemis ou de vous focaliser sur un autre adversaire qui se rapproche de vous. La glace, de son côté, permet de paralyser temporairement un ennemi tandis que le vent les repousse et que la foudre, très pratique, se propage aux ennemis alentours ce qui fait qu’en écrivant un mot, vous pouvez vous débarrasser d’un mot de la liste des ennemis proches.
Un gameplay efficace qui fait touche
Au final, le gameplay se révèle très intelligent et même, parfois, assez exigeant. Vous trouverez régulièrement des stèles sombres sur lesquelles vous devrez marcher, ce qui aura pour conséquence de faire apparaître des vagues d’ennemis. Un peu à la manière d’un “Tower Defense“, ces ennemis vont apparaître au loin et à différents endroits, souvent en même temps, et se diriger inéluctablement vers vous. De différentes tailles et vous demandant de saisir des mots plus ou moins longs, ces joutes vous demanderont d’alterner entre vos différents pouvoirs pour réussir à juguler cet afflux d’adversaires. Parfois même, vous serez obligés d’utiliser tel ou tel pouvoir sur ces ennemis et, donc, de jongler avec pour vous en sortir.
Cela vous paraît compliqué en lisant ça comme ça ? Rassurez-vous, ça l’est également clavier en mains. Mais heureusement, au gré de votre exploration, vous gagnerez également de nouvelles aptitudes qui viendront améliorer vos pouvoirs. Votre feu pourra brûler les mots plus vite, votre glace bloquera les ennemis plus longtemps… mais cela ne s’arrête pas là car ces aptitudes pourront aussi faciliter votre exploration. Téléportation sur la carte, aide aux combos, vitesse de déplacement… de quoi rendre votre voyage dans ce monde bien plus agréable. D’ailleurs, nous vous conseillons de mettre vos premiers points dans les aptitudes permettant de marcher plus vite et de courir, le renard à trois queues a beau être mignon, il se déplace très lentement au début.
Malgré le fait que le moindre contact avec un monstre soit synonyme de mort, le jeu propose une difficulté relativement équilibrée. Mais en réalité, votre appréciation dépendra surtout de votre propre capacité dactylographique et si jamais la difficulté se veut trop élevée pour vous, n’ayez crainte car celle-ci s’ajuste automatiquement après quelques échecs. Epistory n’est pas une expérience basée sur la difficulté donc ce genre de système est très appréciable. Si vous le souhaitez, vous pouvez à contrario le désactiver dans les options du jeu afin que la difficulté reste celle prévue par les développeurs.
Et d’esthétique, papier musique
Entre deux combats, il vous faudra explorer votre environnement et arpenter de sombres donjons. L’occasion d’exploiter ces pouvoirs pour résoudre de nombreux puzzles relativement faciles d’accès mais aussi de profiter de ces paysages fait de papier et tout en origami. L’univers regorge d’éléments cachés à débusquer mais surtout, le style graphique du jeu de Fishing Cactus est très agréable à l’oeil. Parfois un peu simplistes mais de plus en plus détaillés au fur à mesure que vous soignerez ce monde en perdition, les graphismes sont un vrai régal pour les yeux. La réalisation est superbe et ne souffre d’aucun problème sur Stadia, autant d’un point de vue technique qu’en ce qui concerne le portage du titre. Et pour un jeu qui nécessite d’être réactif avec son clavier, il nous apporte une preuve supplémentaire – si tant est qu’on en ait besoin – que l’input lag est bien une légende urbaine.
Cette épopée graphique est aussi un ravissement pour nos oreilles avec une bande originale fonctionnelle qui nous plonge à merveille dans les différents environnements traversés. Même si ce n’est pas le genre d’OST qui restera dans votre tête pendant des jours, le soin apporté à l’ambiance sonore est le même que celui apporté à l’aspect visuel : riche et détaillé. Un travail réussi, donc, que vous pourrez apprécier pendant une bonne petite dizaine d’heures, un peu plus si vous visez le 100% ou si vos doigts n’en peuvent plus… à moins que l’esprit de compétition vous anime et que vous souhaitez mesurer votre maîtrise du clavier à celle des autres joueurs dans le mode Arène.
ON A AIMÉ
+ La direction artistique, toute en origami
+ Le gameplay, d’une grande richesse et qui se renouvelle aux bons moments
+ Une difficulté équilibrée mais qui s’ajuste automatiquement en cas d’échec
ON A MOINS AIMÉ
– Quelques bugs d’affichage des touches lorsqu’on joue à la manette
Après Ary and The Secret of Seasons, Fishing Cactus nous propose une aventure qui, malgré son petit prix, ne manque pas d’ambitions. Un voyage dont la richesse se dévoile à nous progressivement tout comme le monde sous les pieds de son héroïne. Derrière son concept résolument original et, pour certains, peu vendeur, se cache en réalité une très belle expérience entre exploration d’un monde onirique tout en origami et maîtrise de la dactylographie. Entièrement jouable à la manette si vous ne pouvez décoller vos yeux du clavier, nous ne pouvons que vous le conseiller tant il est agréable à parcourir et sans véritable défaut. On attend déjà avec impatience la suite prévue – Nanotale – et annoncée sur Stadia, bien entendu.