Tout le monde connaît SEGA, l’ancien constructeur de consoles célèbre, aujourd’hui développeur et éditeur de jeux vidéo qui continue à exploiter ses plus célèbres licences. Alors que les rumeurs allaient bon train quant à un éventuel rachat de la société par Microsoft, c’est sans crier gare que la firme du hérisson bleu débarque sur Stadia avec l’un de ses jeux les plus cultes. Afin de renforcer la diversité du catalogue de la plateforme de cloud gaming de Google, c’est donc un jeu de rôles tactique que nous avons la chance de découvrir aujourd’hui, un certain Valkyria Chronicles 4 Complete Edition, dont nous allons vous parler en détails.
Claude Wallace & gros mythes
Nous sommes en 1935 alors que la révolution industrielle bat son plein. Sur le continent d’Europa, les différents pays sont regroupés sous deux drapeaux. La Fédération Atlantique, à l’ouest, et l’Alliance Impériale, à l’est, se font la guerre afin de mettre la main sur la ragnite, un minerai qui sert de carburant et de source d’énergie sans lequel le monde serait complètement à l’arrêt. Après une première guerre qui a déjà laissé de lourdes séquelles, un second conflit est déjà en marche pour le contrôle de cette ressource minière qu’on ne trouve que dans la Principauté de Gallia, un pays neutre situé entre les deux grandes puissances.
Dans cet épisode, nous suivons l’histoire de l’Escadron E qui, sous l’égide de la Fédération, regroupe en réalité des combattants natifs de Gallia qui ont souhaité prendre les armes malgré la neutralité de leur patrie. Menée par le commandant Claude Wallace, encore bien novice et plein d’idéaux, les différents membres de cette équipe vont nouer des liens d’amitié indéfectibles que la guerre va mettre à mal alors que l’Alliance Impériale avance ses pions en direction de Gallia et des territoires de la Fédération. Découvrant que leurs ennemis disposent d’une arme hors du commun en la personne d’une des rares descendantes encore en vie des anciens Valkyrur – une race de guerriers surpuissants provenant des territoires lointains du nord – leur mission s’en retrouvera grandement modifiée. Parviendront-ils à stopper l’armée de l’est dans sa conquête ? Arriveront-ils à faire face à leur terrifiante puissance de frappe ? Et qu’adviendra t-il de l’Escadron E au terme de ce conflit sans précédent ?
Vous l’avez peut être deviné mais le monde de Valkyria Chronicles est en réalité une version alternative du nôtre. Vous vous en rendrez très vite compte grâce à la carte et aux différents noms de pays et de villes, les événements se déroulent bien en Europe, moyennant quelques différences cela va sans dire et pas que dans les événements qui nous sont racontés. C’est un parti pris intéressant, sans doute précurseur même, puisqu’on retrouve aujourd’hui d’autres jeux qui n’hésitent pas à créer des versions alternatives de certains pays ou continents pour y forger leur propre histoire. En revanche, il se dégage de l’ensemble un réalisme peut être trop important. En effet, cette accouintance avec notre propre réalité historique ne plaira sans doute pas à tout le monde.
L’histoire en elle-même n’est pas non plus extraordinaire et ne vous marquera pas beaucoup. Tout est très classique, pas vraiment passionnant même, mais pourtant, on se prend au jeu et on n’abandonne pas l’Escadron E – bien au contraire – grâce à une aventure rythmée et menée tambour battant, sans véritables temps morts. Ainsi, les différentes batailles s’enchaînent, sous le bruit des canons et des fusils, et les événements se succèdent sans qu’on s’en rende vraiment compte. Dommage que le tout soit entrecoupé d’innombrables petites scènes, beaucoup de blabla qui tranche avec les très belles cinématiques bien trop rares et qui, du coup, ne mettent pas assez en avant le moteur graphique du jeu.
Le style CANVAS, la beauté chronique
On ne peut évidemment pas parler de Valkyria Chronicles 4 sans parler de sa patte graphique très particulière, une marque de fabrique de la série depuis son premier épisode en 2008. Le moteur graphique CANVAS, basé sur du cel shading mais proposant un style crayonné à mi-chemin entre dessin et aquarelle, fournit à l’écran un résultat de toute beauté. Bien entendu, le jeu accuse un peu son âge car bien que le jeu soit sorti initialement en 2018, il repose sur ce même socle technique depuis plus d’une décennie maintenant. C’est donc un peu rigide au niveau des animations par exemple mais globalement, l’ensemble reste très agréable. C’est l’un des avantages du cel shading, une méthode de rendu graphique qui vieillit très bien avec le temps.
Le résultat est même tellement agréable à regarder qu’on regrette qu’il ne soit pas plus mis en avant. En effet, au cours de votre épopée, les moments les plus importants seront marqués par des cinématiques qui savent mettre en valeur l’aspect visuel du jeu au mieux mais celles-ci sont malheureusement trop peu nombreuses. La plupart des évènements sont plutôt retranscrits à travers de petites “scènettes“, de très nombreux dialogues et échanges entre les différents protagonistes où on aperçoit uniquement leur visage. Le jeu est d’ailleurs très (trop ?) bavard ce qui renforce ce sentiment selon lequel on aurait bien aimé pouvoir profiter de plus de vraies cinématiques.
Mais que ce soit dans ces scènes un peu rébarbatives ou dans les cinématiques, votre aventure sera sublimée par la bande originale de Hitoshi Sakimoto, un nom célèbre dans l’univers du jeu de rôles japonais. Ce compositeur est notamment connu pour avoir créé les bandes originales de jeux cultes comme Tactics Ogre, Final Fantasy Tactics ou encore Vagrant Story et on reconnaît rapidement sa patte si caractéristique. Il est drôle de noter, au demeurant, l’intérêt de l’artiste pour les jeux de rôles tactique, une bonne partie de sa ludographie étant constituée de ce type de jeu. Et il ne fallait pas moins qu’un habitué du genre pour accompagner les nombreuses batailles dans lesquelles votre bataillon se retrouvera impliqué.
Le système Blitz, entre dynamisme et stratégie
Valkyria Chronicles 4 est, donc, un jeu de rôles tactique, autrement dit un jeu de rôles où les combats sont de plus grande envergure que dans les jeux de rôles traditionnels. Dans ce sous-genre du jeu de rôles japonais, vous contrôlez un groupe de personnages qui doivent se déplacer sur une carte et accomplir différents objectifs comme neutraliser l’ensemble des ennemis ou atteindre une zone particulière. Les affrontements se déroulent généralement au tour par tour, chaque personnage, qu’il soit allié ou ennemi, agissant chacun leur tour en fonction de différents critères. Et lorsqu’un personnage peut agir, il a la possibilité de se déplacer sur le champ de bataille et d’effectuer une action.
Mais le titre de SEGA propose un système très particulier baptisé BLiTZ (Battle of Live Tactical Zones) dans lequel ces règles historiques ont été bouleversé. Bien sûr, on retrouve les concepts de base du jeu de rôles tactique mais ceux-ci sont mélangés à des particularités bien spécifiques qui rendent les batailles à la fois stratégiques et dynamiques. Ainsi, comme à l’accoutumée, tous les protagonistes prenant part à la bagarre vont jouer à tour de rôle lors de deux phases distinctes : tous vos héros dans un premier temps, puis tous vos adversaires, alternativement. Mais lorsque vient le tour de l’un d’entre eux, la caméra se place en vue à la troisième personne et vous pouvez déplacer librement cette unité ou attaquer son adversaire en temps réel. Toutefois, attention, une jauge représentant les “Points d’action“ de l’unité en train d’agir, va se vider au fur et à mesure qu’elle se déplace sur le terrain. Vous devez donc bien réfléchir avant d’agir car une fois la jauge vide, c’est la fin du tour.
Bien sûr, vous êtes en guerre, vous pourrez donc également compter sur la présence de tanks dans vos rangs. Vous avez à votre disposition notamment des chars d’assaut : puissants et très résistants, ils se déplacent assez lentement mais peuvent être utilisés par vos compagnons comme couverture afin de se protéger des tirs ennemis. Vous pouvez utiliser différents types d’armes : la mitrailleuse permet d’attaquer les ennemis à courte portée, les mortiers touchent une large zone et les obus anti-blindages sont parfaits pour détruire les tanks adverses et les obstacles qu’ils peuvent poser. Mais user de ces machines de guerre a un prix car toute action réalisée pendant un combat a un coût.
En tant que commandant, vous aurez à votre disposition des “Points de commandement“ pour donner des ordres à votre escouade. Tout le monde ne pourra pas nécessairement agir à chaque tour car ceux-ci sont en nombre limité bien que se régénérant au fil du combat. Accorder un tour à l’un des membres de votre équipe vous coûtera un point tandis qu’utiliser l’un de vos tanks vous en demandera deux. Vous n’êtes pas obligé, par ailleurs, de tous les dépenser, les points économisés étant reportés au tour suivant. De fait, votre mission sera d’exploiter ces points judicieusement pour remplir au mieux les différents objectifs qui vous sont assignés.
Des combats qui ont la classe
Vous l’avez compris, les affrontements dans Valkyria Chronicles 4 sont très stratégiques. Les camps joueront également un rôle prépondérant dans votre réussite. Ces zones – que vous pouvez tout aussi bien reprendre à l’ennemi – permettent à vos troupes de se reposer ou même d’être remplacées par d’autres membres de l’équipe. Pour vous aider, vous pouvez aussi à tout moment visualiser une carte du champ de bataille indiquant la présence de vos troupes et celles de vos ennemis. Et connaître leur position sera primordial car vous apprendrez très vite que même lorsque c’est à votre tour de vous déplacer, les ennemis peuvent vous attaquer. Ainsi, si vous passez trop près de l’un d’eux, vous prenez le risque de subir des dégâts imprévus via un tir d’interception. À vous de quitter le champ de vision et de vous éloigner rapidement.
Pour parvenir à vos fins, vous devrez aussi connaître votre infanterie, ses points forts et ses points faibles. Chaque membre de votre escouade est associée à une classe, une spécialité dans laquelle il excelle. Vous pouvez compter sur les Grenadiers, par exemple, doués pour l’attaque à distance et pour débusquer les ennemis de leur couverture, ou encore les Éclaireurs, très agiles, ils peuvent se déplacer plus rapidement et plus loin mais au prix d’une puissance de feu assez moyenne. Vous trouverez aussi dans vos rangs des Soldats d’assaut, à la force de frappe importante et dont le blindage permet de progresser vers les unités adverses malgré leurs tirs et des Ingénieurs, la classe de support par excellente, qui peuvent réparer les tanks et les armes de leurs co-équipiers voire les ranimer quand ils ont été neutralisés. Enfin, vous pourrez aussi utiliser l’aide des Lanciers, dont la défense permet de résister aux assauts les plus virulents et qui peuvent percer le blindage des tanks adverses, et des Snipers, dont la particularité est de pouvoir infliger d’importants dégâts à très longue distance.
Nouveauté de cette Complete Edition, vous avez à votre disposition des VTT (véhicules de transport de troupes blindés) qui sont bien plus fragiles que les chars et ne disposent pas de la même force de frappe car ils servent surtout à transporter plus facilement vos équipiers sur le champ de bataille. On reprochait souvent à la version originale du jeu de manquer d’équilibre en ce qui concerne le déplacement de votre escouade sur la carte, avec des unités au front et d’autres en retrait, souvent les mêmes d’ailleurs, créant ainsi un déséquilibre trop important au sein de votre équipe. Pourtant, même si ces VTT ont été ajoutés pour répondre à cette problématique, vous vous rendrez compte qu’elle reste tout de même un peu d’actualité. Vous jouerez souvent avec les mêmes personnages et devrez vous forcer à varier vos actions pour pallier à ce déséquilibre. Cela dit, c’est un défaut inhérent au genre, qu’on retrouve dans de nombreux autres jeux de rôles tactique et force est de reconnaître que SEGA a voulu profiter de cette version pour tenter de rectifier le tir, c’est appréciable.
Toujours au chapitre des nouveautés présentes dans cette édition, la participation de votre vaisseau à certaines batailles. À la base cantonné au rôle de quartier général mobile, ce vaisseau peut maintenant réaliser certaines actions et renverser le cours des conflits. Ces occasions sont très rares donc il faudra les utiliser au bon moment pour ne pas les gâcher. Vous pourrez par exemple utiliser son radar afin de repérer tous les ennemis dans une zone donnée ou bombarder tous les ennemis dans un certain périmètre. Il peut aussi apporter son soutien dans le but de réparer les tanks ou soigner toute votre infanterie. Mais cette aide aussi exceptionnelle que coûteuse en “Points de commandement“ ne suffira pas si vous n’êtes pas suffisamment préparé avant de vous lancer dans un conflit.
Je ne suis pas assez fort, ça Minerva !
Si vous êtes un adepte des jeux de rôles japonais, vous connaissez sûrement le terme de grind c’est-à-dire ces phases où vous devez combattre sans relâche dans le but d’engranger de l’expérience et faire évoluer vos personnages suffisamment pour ne pas vous faire éclater par le prochain combat qui vous attend. C’est un passage souvent obligatoire dans ce type de jeux, en particulier si l’équilibrage n’est pas parfait. Mais dans le cas des jeux de rôles tactique, ce grind n’est pas possible dans la plupart des cas car il n’y a pas de combats aléatoires pour vous permettre de progresser inlassablement. Pour répondre à ce problème, Valkyria Chronicles 4 vous permet, grâce à votre chef instructeur Minerva, d’accéder à un terrain d’entraînement où votre escouade pourra se battre, gagner de l’expérience et s’améliorer.
En progressant, les différents membres de votre unité, non seulement deviennent plus forts, mais apprennent de nouvelles techniques. Ils se découvrent de nouveaux “potentiels“ et peuvent recevoir de nouveaux “ordres“ de votre part, c’est-à-dire des actions très particulières que vos unités peuvent effectuer si vous leur demandez. Bien entendu, comme toute action en combat, cela demande d’avoir assez de “Points de commandement“. Les “potentiels », quant à eux, sont généralement des bonus ou des malus passifs qui dépendent de la personnalité de chacun. La proximité avec certains autres soldats ou la vie en communauté peuvent faire évoluer ces malus en bonus et transcender ces personnages. Ainsi, par exemple, un membre qui manque de confiance en soi aura un potentiel qui diminue sa précision à la visée. Mais avec le temps et de l’entraînement, ce malus pourrait se transformer en bonus, autrement dit, un potentiel qui augmentera sa précision à la visée.
C’est un concept très intéressant car cela relie les différents personnages à leur vision de la guerre et à ce qu’ils affrontent au jour le jour. Cela dit, en dépit de tout ce que vous pourriez apprendre, vous vous retrouveriez bien embêté sur le champ de bataille sans un bon équipement. Heureusement, là encore, vous trouverez dans votre camp l’aide qu’il vous faut. Grâce à Miles qui s’occupe du complexe Recherche & Développement, vous pourrez effectuer des recherches pour débloquer de nouvelles armes, de l’équipement plus puissant et même de quoi améliorer vos tanks. Vous aurez l’occasion de renforcer vos blindages, protéger vos points faibles ou encore augmenter votre puissance d’attaque. Il ne faudra donc pas hésiter à passer régulièrement voir votre chef ingénieur ce sans quoi vous vous retrouverez vite en infériorité face aux troupes adverses.
L’amitié est une trêve dans la guerre des tourments intérieurs
Un des points forts du titre, c’est clairement son casting, ses personnages tous uniques et différents les uns des autres de part leurs aspirations, leur personnalité, leurs envies. Une petite prouesse quand on sait qu’au total, c’est une palette d’une soixantaine de personnages qui pourront rejoindre vos rangs au fur et à mesure de votre progression dans l’histoire. Malgré ce nombre, on peut s’attacher à chacun d’entre eux en fonction de nos affinités. Vous avez donc la possibilité de créer l’escouade de vos rêves, si on peut dire, et vous n’aurez que l’embarras du choix.
On s’attache d’autant plus à ces personnages que les occasions sont nombreuses d’assister à la vie quotidienne de l’escouade entre les intermèdes et les histoires d’escadron. Grâce à ces deux types de récits, vous pouvez approfondir votre connaissance de ces personnages et des liens qui les unit mais aussi en apprendre plus sur le contexte historique entourant votre aventure. C’est totalement optionnel mais nous ne saurions que vous conseiller de suivre ces histoires puisqu’elles vous permettront de modifier vos potentiels voire même d’en apprendre de nouveaux. C’est aussi grâce aux histoires d’escadron que vous aurez la possibilité de faire évoluer certains personnages principaux.
Vous pourrez également compter sur les escarmouches, des défis annexes se déroulant sur des versions modifiées de champs de bataille que vous connaissez déjà et vous demandant de remplir des objectifs particuliers, en échange de quoi vous recevrez de bien belles récompenses comme des armes uniques, de l’équipement supplémentaire et vous aurez même la possibilité de débloquer des histoires annexes. Là encore, c’est totalement optionnel mais le jeu en vaut la chandelle. En tout et pour tout, il vous faudra bien une bonne quarantaine d’heures pour terminer le jeu et beaucoup plus si vous souhaitez le finir à 100%. Un chiffre d’autant plus gonflé dans cette Complete Edition qui contient des escarmouches et des histoires d’escadron inédits pour en apprendre encore plus sur tous vos amis de l’Escadron E.
ON A AIMÉ
+ Le style graphique CANVAS qui mélange cel shading et aquarelle
+ La bande originale de Hitoshi Sakimoto
+ Un casting d’une soixantaine de personnages, tous uniques
+ Des dizaines d’heures de contenus notamment grâce aux contenus additionnels inclus
ON A MOINS AIMÉ
– L’histoire est plutôt convenue et assez clichée
– Beaucoup de “scénettes“ et de blabla
– Il est difficile d’utiliser tous les personnages de son équipe à parts égales
“La guerre n’admet pas d’excuses.“ dit-on, et la seule que vous pourrez trouver pour ne pas apprécier ce Valkyria Chronicles 4 est si vous n’appréciez réellement pas son univers réaliste et belliqueux ou les jeux de rôles tactique. Au-delà de ça, cette série culte ne démérite pas son statut. Entre un visuel très chatoyant grâce à son style graphique mêlant cel shading et aquarelle, son histoire très classique et pleine de clichés mais sans aucun temps mort et, bien sûr, ses combats dynamiques et stratégiques sublimés par un gameplay d’une grande richesse, il s’agit clairement d’une valeur sûre du Tactical RPG japonais. Et quoi de mieux qu’un petit bijou comme celui-là pour fêter l’arrivée de SEGA sur la plateforme de cloud gaming de Google ?