Contre toute attente des amoureux du cloud-gaming, la plateforme de jeux dans les nuages de Google s’éteindra définitivement le 18 janvier 2023. Alors que Google est en train de rembourser les achats de jeux et de matériel Stadia (Pack Founder, Premiere et manette), notre équipe de rédacteurs a voulu vous donner son ressenti pour les trois ans de Stadia à travers une rétrospective personnelle. Pour Tiniel et Warpanox, il s’agit du dernier article Stadia Fr – après plus de 1076 articles, tests et billets en deux ans !
Nota Bene : Il s’agit bien du tout dernier article du blog Stadia Fr. Toute l’équipe vous remercie de votre intérêt et de votre passion depuis notre lancement en 2020. Notre communauté se nomme à présent « Les Stadiens » et est désormais orientée multi-gaming autour d’un Discord exclusivement.
Le mot de Tiniel
Malgré les vents et les marées, jamais je n’aurais imaginé écrire sur ce blog, il y a quelques semaines, un titre comme « Stadia fermera ses portes ». Pour beaucoup, j’ai été l’un des plus fervents défenseurs de Stadia, quitte à passer pour un fanboy – ce qui était à la fois drôle et insignifiant en plus d’être faux étant donné que malgré mon soutien indéfectible envers la plate-forme, j’ai toujours joué principalement sur PS5 ou Switch. Mais voilà, au-delà de ces considérations puériles, j’ai toujours été convaincu de la pertinence de Google sur ce nouveau marché qu’est le cloud gaming.
Qu’à cela ne tienne, et malgré les funestes événements, mon avis n’a pas changé. Il a même tendance à être encore plus ferme maintenant : je reste persuadé que Google proposait la seule et vraie plate-forme de cloud gaming, en plus d’être la plus aboutie et, surtout, la plus accessible de toutes. Une vérité qui éclate aujourd’hui alors que les nombreux fans du jeu dans le nuage se tournent vers les concurrents… Oui, ces concurrents ont les jeux, c’est certain – ce gros problème qu’eût Stadia tout au long de sa courte vie – mais à quel prix… qu’il soit technique parce-que ces alternatives ne tiennent pas toutes la route face à la solidité qu’a proposé Stadia (souvent qualifiée de « magique ») ou tout bêtement financier car il faut alors débourser jusqu’à 20€ par mois voire plus même parfois, pour disposer d’un service de la même qualité.
Alors en contre-partie, on y gagne quelques avantages : certaines de ces alternatives proposent par exemple des performances graphiques que Stadia ne fournissait pas – à défaut de proposer une simplicité d’utilisation et d’accès qui fait pester encore beaucoup de joueurs. Stadia était une plate-forme gratuite et sans files d’attentes ou limitation de temps de jeu, un vrai confort acquis qu’il est impossible de retrouver tel quel ailleurs aujourd’hui et encore moins au même « tarif ». Google avait une vraie pépite entre les mains. En faisant ce choix technique discutable mais en réalité ô combien pertinent sur le long terme, la firme de Mountain View n’a malheureusement pas pris tout le temps nécessaire de faire de cette pépite un véritable bijou.
Ce choix technique, peu l’auront compris finalement tant il était disruptif par rapport aux attentes concrètes des joueurs mais il paraissait pourtant évident. Lorsque Google annonçait se lancer dans le marché du cloud gaming, quitte à dessiner lui-même les contours de cette (r)évolution de l’industrie, il visait un futur où des millions de joueurs joueraient chaque jour sur la plate-forme tout comme des millions de personnes regardent chaque jour des vidéos sur YouTube. Il fallait donc concevoir une plate-forme capable de supporter cette charge tout en fournissant un service optimal. Pour Google, cela a nécessité de concevoir Stadia et ses nombreuses briques techniques autour d’une architecture peu compatible avec les jeux vidéo, paradoxalement.
Est-ce par pêché d’orgueil ou par véritable envie d’embarquer l’industrie, quoiqu’il en soit, l’entreprise américaine pensait sans doute que cela ne représenterait pas une barrière si importante. Et pourtant, la réalité fut toute autre. Malgré de solides partenariats qui n’ont d’ailleurs cessés de croître petit à petit, l’obligation de faire des versions spécifiques à Stadia – et le coût associé – a toujours représenté un frein auprès des studios et des éditeurs. Surtout pour entrer dans un marché encore balbutiant. Et la logique financière est implacable dans le jeu vidéo : sans jeux, pas de joueurs. Et sans joueurs…
Aujourd’hui, on se rend compte que les concurrents qu’avait Stadia n’ont pas la stature technique pour soutenir cette vision de Google à propos du cloud gaming. L’ont-ils par ailleurs vraiment ? Dans quel état seront Xcloud et GeForce Now, entre autres, lorsqu’ils seront soumis à des dizaines de millions d’utilisateurs concurrents ? Chacun d’entre eux, malgré leurs avantages respectifs, ont un long chemin à parcourir pour arriver au même niveau que Stadia en terme d’accessibilité et de qualité. Mais en ont-ils envie ? Et pourtant, tout est désormais entre leurs mains. Difficile de savoir de quoi l’avenir sera fait à partir de maintenant mais une question se pose désormais : en fermant Stadia, Google n’a t-il pas tout simplement provoqué la mort prématurée du cloud gaming ?
Le mot de Warpanox
Lancée en grande pompe en novembre 2019 sous le pseudonyme « Stadia » malheureusement si connu, la plateforme de cloud-gaming de Google fermera ses portes le 18 janvier prochain soit à peine trois ans d’existence controversée. Si pourtant le projet m’a tout de suite suscité de la curiosité dès son annonce, j’ai été vraiment déçu d’apprendre sa fin aussi brutale qu’elle puisse être, un jeudi de septembre comme les autres. Je ne me suis jamais défini comme « fanboy » de la plateforme mais il faut avouer qu’elle m’a bien convaincu, amoureux de technologie que je suis : jouer immédiatement sans mise à jour, sans latence et en un clic à nos jeux préférés, quel bonheur ! « You Have What You Takes » qu’ils disaient…
Parachute personnalisé aux couleurs de la plateforme dans le célèbre Players Unknown Battlegrounds, collaboration avec Destiny 2 – The Collection, mise en avant du project Stream avec Assassin’s Creed Odyssey d’Ubisoft, lancement des studios internes de Google Stadia, encouragement du portage de jeux indépendants, conférences Stadia Connect et exclusivités temporaires pour certains jeux… Tant de bonnes initiatives pour rassurer les plus sceptiques de la communauté gaming au lancement de Stadia le 19 novembre 2019… Et pourtant, au fur et à mesure des mois, tout s’est effondré pour Google.
Avec une communication catastrophique, un catalogue qui peine à convaincre – même avec 300 jeux atteints en 2022 – et une fermeture inexplicable des studios internes au bout d’à peine un an, on pensait que l’affaire allait vite tourner au vinaigre en quelques semaines. Et pourtant une fidèle communauté internationale, mais minoritaire dans l’industrie, s’est formée autour d’un service qui a gagné en solidité en 2020, 2021 et 2022… Il est cependant vrai que l’absence de Stadia sur de grosses licences en 2022 / 2023 avec notamment Ubisoft son partenaire historique a porté un sérieux coup à la crédibilité de la plateforme. S’en est suivi quelques mois d’errance et de flou pour finalement avoir Phil Harrison revenir sur le devant de la scène – une de ses rares prises de parole – pour la fermeture. Quelle évolution des plus surprenantes ! On a toujours eu cette impression que Google se cherchait sans pouvoir s’affirmer – on le constate maintenant, quelques milliards perdus par là…
Si même des collaborations avec des marques comme OnePlus, Samsung ou encore LG pour les téléviseurs avaient de quoi rassurer, sur le fond la plateforme avait des fonctionnalités uniques comme le State Share, le Steam Connect et Crowd Play / Choice… Le partage familial associé à la gratuité du service en 1080p avait tout pour assurer un intéressement du public casual, l’une des véritables cibles que Google aurait dû prendre en considération dès le début. C’est d’ailleurs à mon sens ce que d’autres acteurs comme Amazon, Microsoft, NVIDIA ou Facebook vont viser puisqu’ils commencent à peine à se plonger dans le cloud-gaming en 2022 : Google avait largement de quoi occuper un espace qui pourrait devenir une norme dans les décennies à venir.
Google aurait pu profiter des pénuries de consoles next-gen pour s’imposer comme une évidence avec Stadia. UNE seule tentative a été réussie avec le lancement de Cyberpunk 2077 dont les versions PS4 et One ont dégoûté beaucoup de joueurs. Avec Stadia, en un clic, on avait accès à une version digne du PC pour seulement 59.99€ sans abonnement en 1080p. Un bonheur ! Dommage qu’après avoir abandonné les Stadia Connect, Google a aussi lâché ce type d’opération qui aurait pu faire découvrir Stadia plus largement au grand public…
Il est inutile de s’attarder davantage sur les promesses non tenues de Stadia, se plonger dans des débats stériles sur son évolution par rapport à la concurrence mais factuellement, je tiens à raconter mon vécu de joueur « Founder » (tout premier joueur en novembre 2019 avant l’ouverture gratuite du service en avril 2020). De par mon expérience « gamer » l’offre économique de Stadia me convenait largement. L’abonnement étant facultatif, acheter mes jeux et y jouer instantanément pendant plus de trois ans m’a permis de me faire un catalogue aussi riche que diversifié qu’avec du Red Dead Redemption 2, Sekiro, Chorus, Destiny 2, Resident Evil, FIFA, des jeux Bethesda, une flopée de jeux indépendants offerts chaque mois avec Stadia Pro et beaucoup de titres d’Ubisoft. Si la qualité en 1080p me suffisait largement en tant qu’étudiant, il m’est parfois arrivé d’être frustré de voir des jeux sortir sur toutes les plateformes sauf sur Stadia. J’ai dû prendre mon mal en patience !
Aujourd’hui équipé d’une PS5, PC, Nintendo Switch et bientôt d’un casque VR, je ne regrette pas Stadia. Quel gâchis il faut l’avouer mais j’ai pu découvrir toute une communauté et des jeux que je n’aurais jamais lancé en un clic sans mise à jour aussi facilement. Même si on est remboursé de tous nos achats, je me pose légitimement la question de l’évolution du cloud-gaming dans les mois à venir… Je ne pense pas continuer à souscrire à cette alternative au gaming traditionnel car les modèles d’abonnement type Gamepass ne m’intéressent pas : trop oppressant de finir ses jeux à temps avant qu’ils ne sortent de l’abonnement !
A noter que je suis assez dégoûté de voir des centaines d’heures passées sur certains jeux qui n’ont pas de cross-progression auxquels mes sauvegardes seront supprimées (non compatible PC avec Google Takeout) : c’est bien dommage ! Il va falloir du temps pour effacer de ma mémoire un échec aussi retentissant qu’a été ce service mais une chose est sûre, merci à toutes et à tous pour votre soutien dans cette aventure.