Cris Tales : entre classique intemporel et erreurs de jeunesse

Pour Dreams Uncorporated, un petit studio colombien originaire de Bucaramanga, tout a commencé en 2016 par un rêve : celui de rendre hommage aux jeux de rôle japonais des années 90 tout en apportant leur touche personnelle. Cinq ans plus tard, après un dur labeur, de belles démonstrations puis un retard de neuf mois, leur vision prend enfin vie officiellement : Cris Tales, une lettre d’amour à cette époque où se côtoyaient des jeux cultes comme Chrono Trigger ou Final Fantasy VI. Mais que vaut donc aujourd’hui cette aventure largement primée où se mélangent passé, présent et futur ? Les développeurs colombiens ont t-ils eu assez de temps pour donner vie à leur oeuvre ?

Ce test a été réalisé grâce à une clé fournie par Google, un grand merci à eux pour leur confiance.

Il est venu le temps des cathédrales

Cris Tales nous raconte l’épopée d’une jeune adolescente orpheline qui coule des jours paisibles à Narim, élevée par la Mère Supérieure au sein de l’orphelinat de la ville. Mais un jour, une étrange grenouille munie d’un haut-de-forme lui vole les roses qu’elle était en train de tailler. Après une course poursuite à travers la ville, la jeune héroïne finit par entrer dans la cathédrale de la ville où elle va retrouver la fameuse grenouille et où d’étranges pouvoirs vont s’éveiller en elle : Crisbell est une Mage Temporelle et elle peut voir simultanément le passé et l’avenir de son environnement.

Totalement déboussolée par ces visions qu’elle ne comprend pas, elle va être épaulée par Matias, son ami amphibien puis rapidement par Willhelm et Christopher, le trio principal de cette épopée qui emmènera la fine équipe à travers le monde pour visiter les cathédrales de chaque royaume afin de renforcer les pouvoirs de Crisbell, sauver ces territoires d’une fin qui semble inéluctable et mettre un terme aux plans diaboliques de l’Impératrice du Temps. Autant dire que les aventures de notre amie ne seront pas de tout repos et très vite, elle se mettra une lourde responsabilité sur les épaules.

C’est l’âge des possibles, coeur vaillant, invincible

Dès le début du jeu, Crisbell aura, en effet, une première décision à prendre ne disposant que d’un seul remède au problème qui ronge lentement les habitations de Narim. Sauver l’apothicaire ou sauver la maison voisine et sa famille ? Ce premier choix n’aura aucune répercussion sur le jeu en lui-même mais servira à vous expliquer que malgré vos pouvoirs, vous ne pourrez pas sauver tout le monde. Comme Matias vous le rappellera souvent, même une Mage Temporelle ne peut pas résoudre tous les problèmes et vous devrez faire des choix.

L’un des nombreux choix que vous devrez faire… mais d’autres choix ne seraient-ils pas possibles ?

Pourtant, cette vérité qu’on vous assène dès les premières heures s’estompe vite. En effet, alors que chaque région visitée tout au long de votre périple est en proie à divers maux et catastrophes, vous pourrez réellement modifier ce destin funeste en avenir radieux. Chaque étape du voyage fonctionne sur le même schéma : vous aurez l’occasion d’aider différents personnages et de découvrir de mini-scénarios optionnels par le biais de quêtes annexes parfois très bien cachées. Ce n’est qu’après avoir terminé l’ensemble des quêtes annexes d’une ville que vous pourrez faire le meilleur choix possible pour son avenir.

Que nos chemins de vie, parfois nous superposent

Cris Tales dispose donc de plusieurs fins en fonction des choix que vous aurez effectué. Si vous souhaitez obtenir la meilleure d’entre elles, vous devrez donc être vigilant et trouver puis terminer toutes les quêtes proposées. On regrettera cependant qu’aucune indication ne permet de savoir concrètement où on en est. On aurait apprécié, par exemple, à l’instar de Blue Fire, que toutes ces quêtes soient listées dans le journal des quêtes mais offusquées tant qu’on ne les a pas découvertes, histoire de savoir s’il faut continuer à chercher ou non. Les adeptes du 100% se sentiront donc obligés de suivre un guide sur Internet ou de se renseigner pour être sûr de n’avoir rien loupé, c’est très dommage.

C’est encore plus compliqué alors que le jeu ne propose que cinq slots de sauvegarde et que ça devient vite une sinécure de se garder des retours en arrière possibles au cas où on aurait loupé un élément primordial au déclenchement d’une de ces quêtes. On aurait donc également aimé disposer de plus de possibilités à ce niveau-là, ne sachant jamais quel événement va se produire et nous bloquer définitivement une quête annexe. Un vrai problème auquel vont se retrouver confrontés les chasseurs de succès puisque chaque choix important permet d’en remporter un.

Notre jeune héroïne peut donc utiliser ses pouvoirs temporels pour sauver l’avenir des royaumes et du monde, mais de manière plus concrète, ils sont aussi au coeur du gameplay. À tout moment, vous pouvez demander à Matias de voyager temporairement dans le passé ou le futur pour trouver des coffres ou objets nécessaires à vos quêtes, voire pour entendre des conversations les faisant progresser. Crisbell n’a pas ce genre de pouvoirs malheureusement, mais elle en possède d’autres. Par exemple, à un moment donné, vous gagnerez la faculté d’influer sur le cours du temps d’un objet particulier, idéal pour réparer un pont, détruire un obstacle, activer ou désactiver des mécanismes. Souvent, il faudra même combiner ces actions pour débusquer des trésors supplémentaires et arriver à votre destination. Ce n’est jamais bien difficile, rassurez-vous, même si votre route sera souvent interrompue par des combats.

Et que pensez-vous de mourir aux côtés d’un ami ?

Si le temps tient donc une place prépondérante dans l’histoire et pendant les phases d’exploration, c’est également le cas pendant ces affrontements. Dès le début, on vous met dans le bain avec des adversaires qui font office de tutoriels. On découvre alors un système de combat au tour par tour, comme à l’ancienne, où chaque personnage et chaque ennemi agissent alternativement en fonction de leur agilité, une ligne temporelle qui se matérialise en haut de l’écran permet de planifier ses stratégies. Les moins jeunes d’entre vous penseront immédiatement à des jeux comme Grandia.

Chaque personnage qui vous rejoint dispose de son propre rôle dans le groupe et se joue d’une façon qui lui est propre. Crisbell, par exemple, peut infliger des dégâts physiques décents mais surtout, elle peut manipuler le temps, bien évidemment. Concrètement, moyennant des PC (Points de Cristaux), notre héroïne peut envoyer ses ennemis dans le passé ou dans le futur ce qui implique plusieurs conséquences, la première étant de faire rajeunir ou vieillir les ennemis en question. Dans la majorité des cas, cela signifie altérer leurs statistiques à la baisse ou à la hausse mais parfois cela peut aussi modifier leur comportement. Ce qui est intéressant, c’est les intrications que ce pouvoir a avec les capacités des autres membres du groupe.

Par exemple, Willhelm a le pouvoir de poser des Yucandragoras – des sortes de plantes aux pouvoirs offensifs et défensifs – qui peuvent agir immédiatement s’ils sont utilisés sur une seule cible ou mettre plusieurs tours à agir en cas d’utilisation sur une large zone. Il suffit alors d’envoyer dans le futur les ennemis et le Yucandragora pour que son effet agisse tout de suite, démultipliant son efficacité au passage. Ce n’est pas le seul exemple, loin de là, l’un des premiers à être expliqué par les tutoriels consiste même à appliquer l’effet “Mouillé“ sur le bouclier d’un ennemi grâce à un sort d’eau puis de l’envoyer dans le futur pour qu’il soit rouillé et inefficace.

Le bouclier de ce premier boss semble indestructible… mais n’est pas à l’épreuve du temps

C’est une idée très ingénieuse et il fallait y penser ! Malheureusement, on se rendra compte au fil des heures que ce genre de mécaniques sont assez rares, même sur les boss. Les pouvoirs de nos héros grandissant, cela devient beaucoup plus efficace de compter sur l’impressionnante force de frappe, certes aléatoire, de Zas ou sur la magie élémentaire destructrice de Christopher, surtout lorsque Crisbell finit par gagner des sorts comme augmenter l’agilité de ses compagnons, leur permettant d’agir plus souvent.

De manière plus générale, on pourra aussi reprocher aux combats d’avoir un rythme assez lent, surtout pour ceux d’entre vous qui n’ont pas l’habitude des JRPGs au tour par tour comme on les faisait avant. À l’heure où les jeux sont relativement plus dynamiques, Cris Tales se caractérise par une vitesse d’exécution et des animations assez lentes. Fort heureusement, les combats aléatoires ne se déclenchent pas trop souvent, de fait, malgré ce rythme peu soutenu, on ne ressent jamais réellement de lassitude. Pour vous forcer à rester en alerte, on vous demandera d’appuyer au bon moment lors des attaques alliées et ennemies afin d’augmenter les dégâts infligés et réduire les dégâts reçus, respectivement.

En tout cas, vous devrez apprendre à gérer ce timing lors des combats car si le jeu ne vous oppose pas une trop grande difficulté en cas de maîtrise du système, ça peut vite devenir très compliqué si vous n’y parvenez pas. Les ennemis tapent fort et votre vie descend vite si vous ne réussissez pas à limiter la casse en interagissant aux bons moments. Bien sûr, comme dans tout bon jeu de rôle japonais qui se respecte, vous gagnerez après chaque combat de l’expérience et de l’argent.

Au fur et à mesure de votre progression, vous obtiendrez de nouvelles compétences et grâce à la monnaie récoltée, vous serez en mesure de faire quelques emplettes salvatrices pour vous équiper d’accessoires vous accordant des bonus sur vos statistiques ou d’améliorer vos armes. Attention, tout cela coûte cher et l’argent se gagne difficilement dans Cris Tales. On vous conseille d’ailleurs de ne pas le gaspiller en achetant des objets, vous trouverez toujours le nécessaire en explorant votre environnement.

Un hommage dans l’ère du temps mais qui en a peut-être manqué

Cris Tales se veut être une déclaration aux jeux de rôle japonais des années 90 et le moins qu’on puisse dire, c’est que l’enveloppe de cette lettre d’amour est de toute beauté. C’est sans doute, d’ailleurs, l’élément le plus caractéristique du premier jeu du studio colombien, au-delà de son originalité de tous les instants. Graphiquement, le titre de Dreams Uncorporated est splendide avec ses décors et personnages dessinés à la main et animés avec soin. Ça fourmille de détails et chaque environnement ou presque a été décliné en trois versions entre passé, présent et futur. Une ambition peut-être trop élevée pour les développeurs colombiens dont la tâche a été incommensurable malgré leur petite structure. Ainsi, on pourra regretter que l’ensemble soit un peu statique et que ces environnements manquent de vie, sans parler de la carte du monde, assez vide à côté du soin apporté à tout le reste.

La carte du monde est un peu vide surtout comparée à la richesse des environnements

On ressent aussi à quelques endroits les faiblesses de la réalisation et de la mise en scène dues, sans doute, aux origines “indé“ du jeu mais honnêtement, nous n’en tiendrons pas rigueur devant la force de l’ensemble. D’autant plus que nos pérégrinations sont accompagnées par une somptueuse bande originale composée des thèmes marquants qui vont vous trotter dans la tête un petit moment. On saluera également le fait que le jeu soit intégralement doublé. Même si c’est en anglais, le doublage est de très bonne qualité. De quoi être accompagné de bien belle manière pendant la plus d’une trentaine d’heures que vous passerez en compagnie de Crisbell et ses amis.

ON A AIMÉ
+
Un style graphique magnifique et animé avec soin
+ Des musiques de qualité et des mélodies qui restent en tête
+ Le gameplay et ses mécaniques temporelles font mouche
+ Une histoire un peu en retrait malgré de nombreux rebondissements

ON A MOINS AIMÉ
Une mise en scène perfectible et un rythme (un peu trop ?) lent
De nombreux bugs viennent malheureusement entacher l’aventure

Ne perdons pas une minute de plus : oui, Cris Tales est une franche réussite. Le premier jeu de Dreams Uncorporated nous emmène dans un voyage à travers le temps en compagnie de Crisbell et ses amis, un casting varié et éclectique dont les péripéties sont sublimées par un style graphique unique et soigné ainsi qu’une bande originale qui fait plaisir aux oreilles. Le périple ne se fera hélas pas sans accrocs entre une mise en scène un peu mollassonne et de nombreux soucis techniques qu’ils soient mineurs ou bloquants. Mais gardons à l’esprit que le premier titre du studio colombien est très ambitieux et que certaines de ses erreurs de jeunesse seront vite corrigées. Si vous aimez les jeux de rôle japonais ou que vous souhaitez découvrir le genre de la plus belle des manières, vous ne voudrez pas passer à côté de Cris Tales.

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