Les joueurs Stadia ne connaissent pas forcément Life is Strange, une célèbre franchise de jeux d’aventure narratifs au format épisodique créée par le studio Dontnod Entertainment et qui a fait forte impression dès son premier opus paru en 2015. La particularité de cette licence apparue à l’époque où ce genre de jeux étaient à la mode ? Un scénario haletant, des personnages touchants, de la science fiction et des choix cornéliens. Suite à deux opus canoniques, les développeurs français ont laissé leur place à Deck Nine Games qui, après avoir déjà oeuvré sur Life is Strange: Before The Storm, reviennent avec Life is Strange: True Colors. Au revoir Arcadia Bay et Seattle, direction Haven Springs pour découvrir l’épopée empathique d’Alex Chen.
Ce test a été réalisé grâce à une clé fournie par Google. Un grand merci à eux !
In the rocks you’ll see the clocks of times that pass
Il y a huit ans de cela, Alex a été séparée de son frère, Gabe. Après avoir souffert entre familles d’accueil et orphelinats, la jeune fille se rend à Haven Springs, où habite son frère, bien décidée à être enfin heureuse. Toutefois, le destin en aura décidé autrement. À peine l’adolescente a t-elle le temps de s’installer et de découvrir la vie au sein de cette charmante communauté locale – qu’un évènement tragique va venir tout bouleverser. Mais cet accident marquera le début d’une longue route vers la rédemption et l’apaisement.
Face à la brutalité de cet évènement et ses conséquences immenses, Alex va totalement perdre pied. Elle qui rêvait plus que tout démarrer une nouvelle vie se retrouve submergée par les émotions de tous les habitants, de quoi mettre à mal son étrange pouvoir d’empathie exacerbée qu’elle possède depuis longtemps, un pouvoir qui lui permet de ressentir et visualiser les émotions des gens. Et même plus, puisqu’elle pourra littéralement lire leurs pensées. Pressentant que cet incident n’est pas ce qu’il semble être, elle n’hésitera donc pas à utiliser sa capacité pour apprendre toute la vérité sur cette tragédie. Quoiqu’il en coûte.
But I’m a freak, I’m a weirdo
Comme on l’a dit en préambule, Life is Strange ne serait pas Life is Strange sans une bonne dose de science fiction. Ainsi, après le voyage dans le temps ou la télékinésie, c’est l’empathie et le pouvoir des émotions qui vont être au coeur du gameplay de True Colors. C’est en effet du pouvoir qui submerge notre jeune adolescente que vient le titre même de ce nouvel opus. Grâce à son empathie, Alex est capable d’apercevoir de mystérieux halos colorés autour des habitants d’Haven Springs, halos dont la couleur symbolise l’émotion ressentie à cet instant par ces protagonistes.
Colère, tristesse, peur… Leurs “vraies couleurs“, donc, qui vont permettre à Alex et ses amis de mener l’enquête, persuadés que les apparences sont trompeuses et qu’une sombre vérité se cache derrière cet évènement. Le don (ou la malédiction) de la jeune fille va même plus loin puisqu’elle peut aussi détecter les émotions liées à certains objets comme la tristesse associée à une lettre ou la colère imprégnée dans une fissure sur un mur, par exemple.
‘Cause you’re my brother, I know you from before
Mais Life is Strange a aussi toujours été une question de choix, des choix tantôt anodins, tantôt lourds, mais qui ont toujours des conséquences sur la suite du scénario. Et ce nouvel épisode ne déroge pas à la règle, au contraire, il se permet même de pousser les choses un peu plus loin que ses prédécesseurs. On appréciera donc d’autant plus la palette de possibilités qui s’offrent à nous. Surtout que maintenant, la série a totalement délaissée son format épisodique pour proposer une histoire complète tout d’un bloc.
Ce qui pouvait être par le passé un peu frustrant mais permettait aussi de s’interroger réellement sur les conséquences possibles de nos choix se transforme donc désormais en une montagne russe d’évènements avec ses hauts et ses bas dont on ne ressort qu’une fois l’attraction terminée. Du coup, cette période de transition entre chaque chapitre n’existant plus, on s’autorise à “binge watcher“ le scénario comme n’import quel autre jeu. C’est le même débat qu’avec le format actuel de publication des séries. Certains trouvent que cela donne moins d’impacts aux épisodes, d’autres adorent pouvoir tout regarder d’une traite. Au moins, cela permet à Life is Strange: True Colors d’être dans l’ère du temps.
Malgré tout, comme à l’accoutumée, le récit reste découpé en chapitres, vous aurez donc la liberté de suivre l’histoire comme bon vous semble. Une histoire, d’ailleurs, plutôt en-deçà de ce à quoi nous étions habitué avec les épisodes précédents et qui souffre d’un problème de rythme. L’enquête autour des raisons du tragique accident qui est survenu n’est pas toujours très passionnante avec même parfois quelques temps morts. Mais au final, ce n’est pas si gênant car les points forts de de Life is Strange: True Colors, ce sont ses personnages et le théâtre des évènements.
If you leave, don’t forget, if you love, don’t regret
Car il faut bien reconnaître malgré tout aux développeurs américains leur talent en terme d’écriture. Même si l’histoire connait parfois certaines longueurs, voulues ou non, celle-ci est surtout prétexte à la rencontre avec une multitude de protagonistes auxquels on s’attache rapidement et, en particulier, bien entendu, à son héroïne, Alex Chen, jeune adolescente au passé difficile, perdue et sans repères dans les rues de cette bourgade du Colorado. Tous les personnages ou presque sont très bien écrits et sont intéressants à découvrir.
D’ailleurs, c’est aussi une autre grande force du titre : Haven Springs est un terrain de jeu extraordinaire. Deck Nine Games a fait un travail exemplaire pour planter le décor de cette nouvelle aventure. Dans cette ville minière fictive de l’ouest des États-Unis se succèdent de nombreux environnements tous plus détaillés les uns que les autres et sublimés par des jeux de lumière saisissants. On a vraiment le sentiment de se promener dans une petite ville de campagne un peu hors du temps et c’est un vrai régal. Véritable invitation à la contemplation, Life is Strange: True Colors vous embarquera littéralement en voyage comme si vous y étiez !
La direction artistique rattrape ainsi un bilan technique un peu moins éblouissant, notamment à cause de certaines textures un peu pixelisées ou baveuses devant lesquelles la caméra passe parfois par inadvertance, ainsi que la relative rigidité des personnages en dehors des cinématiques. On saluera tout de même l’utilisation d’un moteur plus moderne que par le passé qui permet d’offrir un soin tout particulier à la modélisation des visages et aux émotions qu’ils véhiculent. En effet, Life is Strange: True Colors mettant l’accent sur les sentiments et les relations entre les personnages, il est normal que Deck Nine Games se soit focalisé sur leurs visages qui n’ont jamais été aussi expressifs.
Fade me away, I won’t ever be the same
On ne tiendra donc pas rigueur de ces légers soucis car dans l’ensemble, le travail de Deck Nine Games reste impressionnant. Un constat qui se retrouve aussi sur le plan musical : les développeurs se sont entourés d’artistes divers, majoritairement folks et indés, comme Angus & Julia Stone ainsi que Novo Armor, à l’origine du thème principal du jeu. Il en ressort une bande originale très intimiste et mélancolique qui va vous accompagner à merveille tout au long de l’histoire et au gré des nombreux moments d’émotions qui la parsème. Mention particulière et personnelle aux reprises à la guitare effectuées par Alex, comme Creep de Radiohead, qui servent par ailleurs parfaitement le scénario.
C’est aussi le cas pour le doublage français, une grande première pour la licence, qui s’avère être d’excellente facture avec des jeux d’acteurs remarquables. On s’amusera à reconnaître au passage certaines voix connues comme celle de Bastien Bourlé qui est la voix d’Eren dans l’anime “L’Attaque des Titans“, celle de Geneviéve Doang à savoir le personnage de Ciri dans The Witcher 3 ou encore Lunafreya dans Final Fantasy XV sans oublier bien sûr l’excellente Adeline Chetail qui a doublé si parfaitement la Princesse Zelda dans The Legend of Zelda: Breath of The Wild. Le résultat est épatant de justesse.
Alors oui, Life is Strange: True Colors n’est pas très long, peut-être un peu plus court que les épisodes précédents même. En revanche, de part sa construction, le jeu a beaucoup plus offrir que ses ainés. Vous aurez en effet l’occasion de découvrir de nombreuses activités annexes en déambulant dans les rues. Des petites histoires qui seront l’occasion d’en apprendre davantage sur certains personnages voire même d’altérer vos relations avec eux. Il y a même des bornes d’arcade pour jouer à des mini-jeux. Et si vous souhaitez faire un break, vous pouvez aussi profiter d’un de ces « instants zen » que le titre offre régulièrement. Il faudra compter environ une dizaine d’heures pour voir défiler le générique de fin mais, en vrai, c’est vous qui déciderez du temps que vous souhaiterez passer à Haven Springs.
ON A AIMÉ
+ La direction artistique, épatante, Haven Springs, sublime.
+ Un casting de personnages, tous touchants et bien écrits
+ La bande originale merveilleusement sélectionnée et composée
+ Un véritable appel à l’évasion et la contemplation
ON A MOINS AIMÉ
– Une aventure intense qui ne dure pas assez longtemps
– L’histoire principale, en-deçà par rapport aux personnages
– Le jeu d’aventure narratif, un genre qui ne plaira pas à tout le monde
Quel voyage émotionnel que ce Life is Strange: True Colors ! Il est rare d’être transporté à ce point par un jeu vidéo. Si le récit en lui-même a quelques faiblesses, il ne gâche en rien ces personnages auxquels on s’attache et qui sont écrits (et joués) à merveille. Dès les premières secondes, on tombe sous le charme de ce jeu d’aventure narratif, illuminé par les magnifiques paysages offerts par Haven Springs et bercé par la somptueuse bande originale qui sait accompagner chaque moment-clé de l’histoire. Au-delà de ce style de jeu particulier qui ne trouvera pas écho auprès de tous se cache une aventure humaine bouleversante qui vous happera telle une bulle intemporelle. Du coup, on aurait aimé que notre séjour dans le Colorado dure plus longtemps mais ne soyons pas triste, la seule émotion qui prévaut ici, c’est le bonheur d’avoir vécu cette épopée empathique remarquable.