Digital Sun Games porte bien son nom puisque ce petit studio indépendant à l’origine de l’aventure mercantile dont nous allons parler aujourd’hui est d’origine espagnole. Une équipe réduite mais passionnée dont la règle d’or est que s’ils prennent du plaisir à créer un jeu vidéo, il est fort probable que les joueurs prennent du plaisir aussi à le découvrir. Une idée toute bête en apparence mais qui a permis aux développeurs de créer Moonlighter, édité par 11 bit studios, un jeu d’action et d’aventure salué par la critique qui alterne entre jeu de gestion et rogue lite comme le jour et la nuit. Et d’ailleurs, c’est le cas de le dire !
Ce test a été réalisé grâce à une clé fournie par 11 bit studios. Un grand merci à eux !
Marchand le jour, aventurier la nuit
Moonlighter vous met dans la peau de Will, un commerçant qui possède son petit magasin dans le village reculé de Rykona et qui aspire, derrière la monotonie de son comptoir, à devenir un héros. Comment peut-il en être autrement lorsqu’on a été bercé par les récits d’aventure de son grand-père, témoignages d’une époque révolue où le village – créé pour l’occasion – prospérait grâce au passage de nombreux aventuriers attirés par les ruines découvertes non loin d’ici et avides de succès ?
Mais aujourd’hui, Rykona n’est plus que l’ombre d’elle-même, des années après que les mystérieux portails menant à ces ruines aient été refermés car considérés comme beaucoup trop dangereux. Les explorateurs ont déserté, le village a été abandonné et Will ne vit qu’à travers ses rêves de gloire. Alors, lorsque pour une raison inconnue, l’un de ces portails s’est à nouveau activé, notre marchand y voit l’opportunité inespérée de concrétiser ses espoirs. Mais on ne s’improvise ni aventurier, ni explorateur et encore moins héros, du jour au lendemain, surtout quand on a aussi une boutique à faire tourner.
Le quotidien de notre héros-en-devenir sera donc partagé entre la gestion de sa boutique et ses péripéties au sein de ces dangereux donjons. Pendant la journée, vous endosserez ainsi la casquette de commerçant, vous mettrez en vente vos biens et tenterez de dégager des bénéfices tout en apprenant à connaître vos clients et les prix du marché. La nuit, une fois la porte du magasin fermée, vous vous armerez de votre courage pour arpenter les sombres couloirs ancestraux qui n’attendent qu’à être vidé de leurs trésors. Mais attention, vos virées nocturnes ne seront pas de tout repos…
C’est la nécessité qui révèle les héros
L’exploration de ces fameux donjons et les combats contre les nombreux monstres qui s’y trouvent occuperont donc une bonne moitié de votre temps. Moonlighter est, en effet, en partie un jeu d’action et d’aventure ainsi qu’un rogue lite. Autrement dit, derrière son apparence et son gameplay faisant penser à un délicieux Zelda en 2D dont le pixel art flatte notre rétine rétro, se cache une épopée exigeante et loin d’être simple d’accès. Pourtant, le gameplay est plutôt simple à la base : vous disposez d’une attaque normale qui permet d’exécuter plusieurs combos et une attaque chargée. Vous pouvez effectuer des roulades pour esquiver les coups de vos adversaires avant de contre-attaquer et le tout de manière illimitée puisqu’aucune jauge d’endurance ne vient vous mettre des bâtons dans les roues.
Ce qui est plus compliqué, en revanche, c’est d’apprendre à maîtriser les armes dont vous pouvez vous équiper. Un peu à la manière de ce personnage qu’on incarne et qui est loin d’être un guerrier accompli, vous devrez appréhender non seulement les attaques des ennemis mais aussi, donc, les vôtres. Pour vous défendre contre ces monstres, vous aurez à votre disposition un vaste panel d’armes : épées et boucliers, épées à deux mains, lances, gants et arcs. Un large choix de possibilités qui ont toutes leurs avantages et leurs inconvénients. Quantité de dégâts infligés, rapidité d’attaque et vitesse de déplacement, portée de vos coups… chacune d’entre elles place les curseurs à différents endroits.
Vous trouverez sans doute votre arme de prédilection dans tout cela mais attention, il faudra aussi vous équiper des armures qui vont bien ensemble, à moins que vous préfèreriez contre-balancer certains de vos points faibles. Là aussi, plusieurs types d’armures sont disponibles, des plus légères – à la défense peu élevée mais accordant une importante agilité – aux plus lourdes – sacrifiant votre vitesse d’exécution contre une grande protection et un bonus de santé. Choisissez bien !
Vous aurez aussi l’occasion d’être aidé par des familiers, des versions miniatures de certains des ennemis que vous rencontrerez et qui vous accompagneront dans vos escapades. Ils attaquent automatiquement en suivant une IA qui leur est propre. Corps-à-corps ou distance, attaque, soin ou support, leur aide est précieuse et il ne sera pas simple de faire un choix. Vous les obtiendrez dans des oeufs lâchés par les ennemis après en avoir tué un certain nombre et qui écloront automatiquement au bout de trois jours.
Là où on va, on a pas besoin de carte
Mais on l’a dit juste avant, Moonlighter, c’est aussi un rogue lite et votre arsenal ne sera pas de trop pour espérer survivre dans ces ruines. Ainsi, outre la certaine difficulté et l’exigence en terme de gameplay voulus par le genre, les différents portails que notre ami Will va traverser l’emmèneront toujours dans des endroits différents. Chaque portail impose un thème bien particulier (ruines, forêt, désert, etc) mais l’architecture des niveaux, les ennemis, les pièges et le butin, tout est généré de manière procédurale ce qui fait qu’on ne sait jamais ce qui nous attend dans la prochaine salle. Et on peut vous assurer que lorsqu’on est à l’article de la mort ou que notre sac déborde de trouvailles, de vraies questions existentielles se posent.
Les pérégrinations de notre explorateur en herbe sont également l’occasion d’en apprendre davantage sur l’histoire et l’univers du jeu, notamment par le biais de documents disséminés un peu partout. Comment ces portails sont apparus ? Pourquoi ? Où mènent-ils exactement et quel est le secret qui se cache derrière tout ça ? Plus vous progresserez, plus vous en apprendrez davantage au fur et à mesure que vous réduirez à néant les boss de chaque donjon et débloquerez les suivants. Avec cinq donjons en tout et pour tout, la route sera donc assez longue, et surtout, semée d’embûches. Libre à vous de prendre des risques, ou non, sachant que si vous êtes amené à perdre toute votre santé, vous vous retrouverez à l’extérieur du portail que vous avez emprunté, en vie, certes, mais le sac complètement vide. Par contre, tout ce que vous aurez mis dans vos poches restera en votre possession.
Malédiction ! Où sont mes objets ?
En effet, Moonlighter a un système d’inventaire très particulier qui scinde votre stock en deux zones distinctes. D’une part, vous avez toute une rangée en haut de l’écran – vos poches, donc – où vos objets seront à l’abri si vous vous retrouvez à l’article de la mort. Mais vous avez aussi votre sac qui vous permet de garder avec vous un nombre plus important de trouvailles mais dont vous perdrez le contenu si vous passez de vie à trépas. Mais encore faut-il réussir à le stocker tout ce butin, car ce qui rend l’inventaire encore plus particulier dans le jeu de Digital Sun Games, c’est le système de malédictions. Ainsi, une bonne majorité des objets que vous allez trouver sont maudits, ce qui se matérialise par la présence de règles très précises que vous devez respecter pour pouvoir garder vos trouvailles dans le sac.
Certains, par exemple, demandent à être placé sur les bords gauche ou droit ou encore tout en haut ou tout en bas du sac. D’autres peuvent détruire leur voisin lors de votre retour à Rykona ce qui vous obligera à les placer aux extrémités. Mais parfois, certaines malédictions ont du bon comme celle qui envoie immédiatement un objet adjacent dans votre coffre chez vous. Au moins, vous êtes sûr de ne pas le perdre, celui-là. Oui, car comme vous le comprendrez en lisant certains messages laissés par de précédents explorateurs, on ne meurt normalement jamais dans ces étranges donjons. Le pire qui puisse vous arriver, donc, c’est d’en être éjecté et de rentrer bredouille. Le seul moyen pour vous de rentrer au village avec vos trouvailles, c’est d’en sortir par votre propre volonté, mais cela a un prix.
Vous devrez utiliser un objet hérité de votre grand-père, le pendentif du marchand, mais son utilisation nécessite de la monnaie sonnante et trébuchante, argent dont vous ne disposez pas forcément sur vous. Heureusement, très vite, vous découvrirez un étrange miroir capable de transformer les objets de votre sac en argent dans le but de pouvoir utiliser le pendentif. Ce n’est pas non plus un comptoir d’échange portatif, hein, son utilisation est réservée à celle du pendentif et au fait de pouvoir vous échapper sans perdre votre butin. Par la suite, vous trouverez même un autre objet – au coût bien plus élevé – qui permet de maintenir un portail ouvert entre le donjon et le village, idéal pour stocker vos objets et continuer à piller les ruines que vous êtes en train d’explorer.
Tu es un marchand, Will. Pas un héros.
Zenon, l’ami de votre grand-père, vous le rappellera suffisamment souvent : vous êtes avant tout un commerçant et pas n’importe lequel, vous êtes le propriétaire du Moonlighter, la plus grande échoppe que le village ait connu et qui donne, donc, son nom au jeu. Et ce vieil homme ne souhaite qu’une chose, vous voir redonner sa splendeur d’antan à cette boutique. Mais lui-même le confesse au détour d’un feu de camp : la fermeture de presque tous les portails est sans doute la cause de la déperdition de Rykona. Et bien entendu, Will aura un rôle à jouer dans tout cela.
Mais pour pouvoir obtenir les clés ouvrant les autres portails et découvrir toute la vérité sur leur existence, il devra autant s’en sortir vivant dans ces étranges dimensions que briller en tant que commerçant, l’aspect mercantile occupant, donc, la seconde moitié de votre temps. En mettant en vente votre butin à l’intérieur de votre boutique, vous attirerez les clients et gagnerez de l’argent. Mais engranger des bénéfices n’est pas simple car le client est roi, n’est-ce pas. Heureusement, vous êtes un marchand dans l’âme et vous saurez vendre votre stock au bon prix.
Le Moonlighter dispose de plusieurs étals sur lesquels vous pouvez entreposer vos produits et définir leur prix de vente. Lorsque vous décidez d’ouvrir votre boutique, s’en suit alors une sorte de mini-jeu pendant lequel les clients vont et viennent. Lorsque l’un d’entre eux est intéressé par l’un de vos produits, il réagit de quatre façons différentes indiquant ce qu’il pense du prix que vous avez fixé. Si le prix lui convient, il passe à la caisse et à vous la monnaie – attention toutefois aux voleurs qui viennent parfois jouer les trouble-fêtes, soyez vigilant !
Cette étape pourrait être compliquée et fastidieuse mais fort heureusement, Will dispose d’un carnet de marchand qui répertorie tous les objets découverts et les différentes réactions des clients lorsque vous les aurez mis en vente. Et quand vous aurez trouvé le juste prix, le jeu définit automatiquement le prix des objets lorsque vous les posez sur les étals. Très pratique pour gagner du temps, surtout qu’il passe très vite à l’intérieur du magasin. À la fin de la journée – ou selon votre bon vouloir, après tout, c’est vous le patron – la boutique ferme ses portes et vous pouvez faire vos comptes.
Quelques nouvelles têtes feraient du bien à Rynoka, je te le dis…
Avec l’argent que vous amasserez au fil des jours, vous pourrez réaliser pas mal de choses même si c’est un peu compliqué au début de savoir par où commencer. Mais il est aussi probable, de toute manière, que vous passiez un bon moment dans le premier donjon du jeu avant d’être en mesure d’affronter son boss et de débloquer la suite. Vos nombreuses explorations vous permettront de bien assimiler la boucle de gameplay du jeu et de gagner suffisamment d’argent et de matériaux pour vous équiper comme il se doit, passage obligé pour augmenter vos chances de survie.
La priorité sera peut-être, donc, d’inviter Andrei, le forgeron, à rejoindre Rykona, un artisan grâce auquel vous pourrez acquérir de nouvelles armes et de nouveaux équipements. Vous serez aussi obligé demander à Eris de vous rejoindre, la gérante du Chapeau de Bois vous proposera non seulement des potions, cruciales pour vous soigner en cas de coups durs – et ils seront nombreux – mais aussi des enchantements, c’est-à-dire des améliorations pour votre équipement dont les statistiques seront augmentées.
Il ne faudra pas non plus oublier l’autre poste de dépense principal de votre budget à savoir votre boutique qu’il vous sera possible d’agrandir plusieurs fois, ce qui accorde des améliorations conséquentes en terme d’étals et de coffres pour stocker l’ensemble de votre marchandise, sans parler de l’achat d’améliorations plus spécifiques comme de nouveaux lits dans lesquels on dort tellement mieux que ça octroie à Will un bonus de santé pour son prochain séjour au sein des portails.
Mais est-ce que la fin justifie les moyens ?
Malheureusement, la routine s’installera assez vite car la progression dans le jeu réserve assez peu de surprises. Chaque nouveau donjon débloqué s’accompagne de nouveaux ennemis dont vous devez apprendre les techniques, de nouveaux matériaux que vous pourrez vendre ou échanger contre de meilleures armes et de meilleures équipements, de quoi vous faire encore plus d’argent pour améliorer d’autant le prestige de votre magasin. La forme évolue, mais le fond relativement peu, peut-être trop peu. Même la fin s’avère un peu décevante…
La question sera donc de savoir si vous allez réussir à vous prendre au jeu ou si vous finirez par vous lasser avant la fin. Heureusement, l’épopée de Will n’est pas très longue. Comptez environ une bonne vingtaine d’heures pour en atteindre le bout, suffisamment long pour y prendre du plaisir et pas trop long pour ne pas arrêter le voyage en cours de route. Après tout, le jeu de Digital Sun Games possède suffisamment de qualités pour lui et si jamais vous voulez poursuivre l’aventure, un DLC “Between Dimensions“ vous propose un donjon inédit, de nouveaux ennemis, armes et équipements pour prolonger le plaisir.
ON A AIMÉ
+ Un pixel art de qualité et des animations soignées
+ La bande originale, un vrai plaisir pour les oreilles
+ Une boucle de gameplay originale entre gestion et rogue lite
+ La courbe de difficulté, progressive et bien étudiée
ON A MOINS AIMÉ
– Une recette qui pourrait lasser certains joueurs au bout d’un moment
– Une fin d’aventure en demie-teinte malgré toutes les révélations
Le moins qu’on puisse dire, c’est que Moonlighter a apporté un petit vent de fraîcheur dans le monde des rogue lites à sa sortie. Avec une exécution sans fautes grâce à un pixel art soigné et une bande-son ravissante, il ne souffre finalement que d’un seul problème, une relative monotonie qui s’installe après quelques heures, une fois les différents systèmes de jeu découverts et appréhendés. On ne pourra pas savoir à votre place si la répétitivité du jeu vous empêchera d’en atteindre le final, d’autant plus qu’il est un peu décevant. En tout cas, de notre côté, nous avons tout de même savouré chaque minute passée sur le premier titre de Digital Sun Games, embarqué jusqu’à la fin par toutes ses qualités et sa difficulté plutôt bien dosée. “Le Moonlighter ne va tourner tout seul“ comme dirait l’autre.