C’est la nouvelle qui a fait trembler Internet hier soir. Par le biais d’un article sur le blog de Google, Phil Harrison, Vice-Président de Google Stadia, a annoncé la fin de l’investissement de Google dans le développement de jeux vidéo pour sa plateforme Stadia et le départ de Jade Raymond. Il n’en fallait pas plus pour que beaucoup de gens commencent déjà à prophétiser la mort de Stadia. Mais nous allons vous expliquer dans cet article que non seulement ce choix s’explique rationnellement mais qu’il peut, en plus, présenter de très bonnes opportunités pour la plateforme de cloud gaming de Google. Explications.
Le mieux étant de décrypter le message de Phil Harrison, reprenons donc point par point le billet qu’il a publié hier soir.
Nous avons créé Stadia avec l’objectif de vous permettre de jouer à vos jeux préférés instantanément et n’importe où. Entre le lancement réussi de Cyberpunk 2077 sur Stadia, le fait de pouvoir jouer sur n’importe quel type d’écran – y compris sur iOS – ainsi que nos liens de plus en plus importants avec YouTube et notre croissance de manière globale, nous avons également la preuve aujourd’hui que la technologie qui anime Stadia est éprouvée et ce, même à grande échelle. Que nos jeux vidéo puissent être diffusés sur n’importe quel support est clairement l’avenir de cette industrie et nous continuerons à investir dans Stadia afin d’en faire la meilleure plateforme de cloud gaming pour nos partenaires et pour la communauté des joueurs. C’est notre vision depuis le tout premier jour.
En effet, le but premier de Stadia, c’est le streaming de jeux vidéo, tel que le rappelle notre dossier « Google I/O 19 : Plongez au cœur de la technologie de streaming de Stadia », publié plus tôt sur notre blog. Le développement de jeux vidéo n’était donc pas au cœur du projet. Cette volonté de créer ses propres contenus découlait de l’envie de démontrer ses technologies à une industrie peut-être sceptique et mettre en avant son savoir-faire. C’était aussi l’occasion pour Jade Raymond de pouvoir mettre la technologie de Google au service de sa vision du cloud gaming. Malheureusement, les choses ne se sont pas vraiment passées comme prévues.
En 2021, nous allons faire encore plus d’efforts pour permettre aux développeurs et aux éditeurs de profiter de notre technologie afin qu’ils puissent proposer leurs oeuvres directement à leurs joueurs. Nous avons une opportunité unique de pouvoir travailler avec nos partenaires qui recherchent des outils et des solutions – basés sur l’infrastructure technique de Stadia – adaptés à leurs besoins lors de leurs développements. Nous pensons qu’il s’agit là du meilleur chemin à emprunter pour que Stadia reste viable sur le long terme, tout en aidant l’industrie à croître.
2020 a été une année particulière pour tout le monde mais beaucoup plus pour l’industrie du divertissement. Quant à Stadia, l’année passée est la première année d’existence du service, et quelle année ! Si Stadia a réellement fêté sa première bougie mi-novembre, le mois de décembre a été de son côté très chargé et le temps de la rétrospective a dû se faire logiquement après la coupure de Noël. Janvier est un mois parfait pour faire le point et planifier l’année qui s’annonce. Il n’est donc guère étonnant de voir ce genre de revirement être effectué à cette période.
Toute l’industrie du jeux vidéo s’est donc trouvée fortement impactée par la crise sanitaire, les développeurs devant apprendre à travailler le plus souvent à distance. Si cela a pu avoir une influence sur la date de sortie des jeux, cela a aussi été une formidable opportunité pour Stadia de mettre en avant les atouts de sa plateforme pour le développement de jeux vidéos auprès de ses partenaires. Le cloud gaming a aussi pris son essor cette année en raison du confinement, de plus en plus de personnes ayant eu du temps pour jouer.
Et soyons honnêtes. L’un des retours les plus courants, y compris ici à Stadia Fr, portait sur le manque de jeux. Nombre d’entre nous, des journalistes de jeux vidéos ou des influenceurs, demandaient tout simplement plus de jeux sur la plateforme, arguant que Google pouvait tout simplement acheter des jeux auprès des studios et mettre de l’effort sur l’aide à leur portage. C’est précisément ce qu’annonce ici Phil Harrison. Stadia est à l’écoute de ces retours.
Surtout que 2021 sera une occasion en or pour Stadia de convertir les joueurs avec un catalogue de plus en plus étoffé. En effet, du côté de Sony et Microsoft, il sera difficile d’attirer les joueurs entre les jeux next gen repoussés et surtout… la pénurie de consoles. La concurrence de Stadia devrait logiquement plutôt se trouver du côté des autres plateformes de cloud gaming – Luna pour Amazon et GFN chez NVidia – qui cherchent elles aussi à proposer des catalogues de partenaires de plus en plus fournis. Si Google veut se démarquer et proposer des exclusivités, il doit donc mettre ses efforts du côté de l’intégration de ses technologies, bref, se recentrer sur son cœur de métier qu’est l’ingénierie.
Créer des expériences fantastiques à partir de rien demande des années de travail et un investissement conséquent, un coût qui ne cesse d’augmenter avec le temps. En nous concentrant sur Stadia en tant que plateforme technologique qui a fait ses preuves et sur nos relations commerciales de plus en plus nombreuses, nous avons décidé de ne plus investir davantage dans le but de proposer des exclusivités de la part de notre équipe interne chez Stadia Games & Entertainment, au-delà des jeux qui étaient déjà prévus et qui sont quasiment terminés. De fait, étant donné ce revirement sur les sujets sur lesquels nous avons décidé de nous focaliser, Jade Raymond a décidé de quitter Google afin de profiter d’autres opportunités qui s’offrent à elle. Nous apprécions énormément ce que Jade a pu apporter à Stadia et nous lui souhaitons le meilleur pour ses projets à venir. Dans les prochains mois, la plupart des membres de l’équipe interne de Stadia Games & Entertainment seront affectés à d’autres attributions. Nous nous sommes engagés à continuer à travailler avec cette équipe talentueuse afin de continuer à les soutenir.
Comme évoqué plus haut, l’industrie du jeu vidéo a fortement été impactée par la crise sanitaire, entraînant de nombreux retards tel que celui de Riders Republic qui devait sortir ces jours-ci et qui a été repoussé à plus tard dans l’année. Chaque retard coûte cher et le risque est grand qu’un jeu ne trouve pas son public (comme Marvel’s Avengers). Ainsi, en développant ses propres jeux à partir de rien pour mettre en avant son savoir-faire technologique, Google s’exposait. Mais un jeu, ce n’est pas que de la technique, c’est aussi et surtout de la créativité artistique, ce qui n’est pas dans l’ADN de Google.
Puisque les attentes remontées lors de la première année d’existence de Stadia se concentrait sur l’étoffement rapide du catalogue, beaucoup d’experts justifiaient leur position en arguant que les jeux développés en interne sortiraient trop tard pour convertir les joueurs désireux d’investir dans la plateforme Stadia, et parce-que le budget alloué à Stadia n’est pas infini, le repositionnement de Google vis-à-vis de Stadia est aujourd’hui pleinement compréhensible. Plutôt que de prendre des risques financiers à développer des jeux en interne, jeux qui pourraient entraîner en cas d’échec une remise en question de son service – on voit d’ailleurs à quel point la tâche est compliquée pour Amazon – Google fait le choix difficile (car un tel revirement est toujours un choix difficile, surtout lorsque des êtres humains sont impliqués) de se recentrer sur ce qui apporte vraiment de la valeur. C’est un principe même de l’agilité en informatique. On teste des hypothèses, ça marche, ça ne marche pas, on récupère du feedback, on passe par de l’introspection et on s’adapte. Voilà comment on construit un grand produit. Google montre ainsi sa maturité dans la création de son service de cloud gaming.
Il est sûr que ce changement de direction risque de mettre à mal la vision de Jade Raymond que nous vous avions présenté plus tôt. Mais Jade Raymond a décidé de quitter Google pour aller vers d’autres opportunités et nous lui souhaitons une bonne continuation. Peu importe ce qu’elle fera ensuite, elle continuera à nous inspirer. Quant aux autres personnes ayant travaillées au sein de SG&E, beaucoup auront peut-être des rôles d’évangélisation autour de la plateforme au sein des studios de développement partenaires. Rien ne se créé, rien ne se perd, tout se transforme.
Alors qu’est-ce que cela signifie concrètement pour vous si vous êtes un joueur Stadia ou si vous comptiez le devenir ? Vous pouvez bien évidemment continuer à jouer à tous les jeux de votre bibliothèque et à tous les jeux disponibles avec Stadia Pro et nous allons continuer à enrichir notre catalogue de nouveaux titres de la part des éditeurs tiers. Notre engagement envers l’avenir du cloud gaming est intact et nous allons continuer à remplir notre rôle afin de pousser cette industrie vers l’avant. Notre objectif n’a pas changé : créer la meilleure plateforme possible pour les joueurs et la meilleure technologie pour nos partenaires afin que le plus grand nombre d’entre vous puisse avoir accès à ces expériences.
Stadia ne va donc pas fermer de si tôt. Google a de plus en plus de partenaires qui montrent un réel intérêt pour la plateforme et on le voit déjà dès le lendemain de la publication de ce message avec des annonces comme l’arrivée prochaine du très attendu FIFA 21 d’EA Sports. Google sait résoudre de nombreux problèmes rencontrés par les studios de développement et propose son savoir faire technique. Nous publierons d’ailleurs prochainement des dossiers exclusifs autour de ces sujets.
L’année 2021 s’annonce incroyable, nous avons hâte de partager tout cela avec vous. N’hésitez pas à vous abonner au blog, à réagir en commentaires ou à nous suivre sur nos réseaux.