Annoncé via le programme Stadia Makers, FORECLOSED est un jeu d’aventure narratif prenant place dans un monde cyberpunk rempli d’action, de suspense et d’augmentations expérimentales. Suivez l’histoire d’Evan Kapnos dans ce superbe jeu de style comics et découvrez le complot que dissimule la saisie de son identité.
Cette interview a été réalisée par nos amis de chez Stadia Italia qui nous ont donné leur accord pour en réaliser une traduction française et la publier sur notre blog. Un grand merci à eux !
Qu’est-ce que vous avez fait comme études et si ça n’a pas de rapport avec les jeux vidéo, comment êtes-vous arrivé dans l’industrie du jeu vidéo ?
Nos parcours scolaires et professionnels sont très différents : de son côté, Andrea a étudié l’informatique et a toujours. bossé dans ce secteur que ce soit en tant que salarié ou consultant et même freelance, alors que pour ma part, même si j’ai toujours été passionnée par les jeux vidéo, j’ai suivi des études artistiques et j’ai travaillé comme graphiste, directeur artistique et web designer.
On s’est tous les deux rencontrés à la Games Week à Milan, il y a quelques années. À l’époque, je réalisais des critiques de films et de jeux vidéo pour un blog et je couvrais le salon car, de mémoire, c’était la première année qu’un stand dédié aux studios indépendants italiens y était présent. De son côté, Andrea “tournait autour“ du stand de la société pour laquelle il travaillait.
C’était vraiment le hasard mais en discutant, nous avons très vite remarqué qu’on partageait des idées en commun notamment sur le développement, le divertissement et la gestion d’un studio en général. La création d’Antab Studio n’a pas eu lieu immédiatement après mais ça a été un choix assez naturel.
Quels sont vos jeux vidéo indépendants préférés et pourquoi ?
Les titres qui nous viennent tout de suite en tête sont « To the Moon », « Observer », « Limbo », « The Stanley Parabole », le premier « Monkey Island » et la série « Oddworld ». Chacun d’entre eux nous a marqué à sa manière que ce soit par leur narration, leur game design, l’ambiance ou encore le gameplay. Mais on est des joueurs très éclectiques alors ce n’est vraiment pas simple de faire une liste.
Quels sont, de votre point de vue, les difficultés auxquelles doit faire face un développeur italien par rapport à un confrère américain ?
Je dirais que l’accès aux ressources et aux contacts de l’industrie est beaucoup plus difficile et limité, surtout au début, étant donné qu’aux États-Unis, l’industrie est florissante et consolidée depuis plusieurs années maintenant. Plus personnellement, avec Antab Studio, on essaie d’être présents sur le marché international (ce qui est obligatoire pour n’importe quelle entreprise de nos jours) et on participe à tous les événements les plus importants du secteur.
Sur un autre aspect, nous avons aussi des problèmes propres aux entreprises italiennes en raison de notre bureaucratie assez lente et d’une administration souvent inutilement complexe.
L’histoire de FORECLOSED est tellement crédible que j’en ai la chair de poule. On dirait un épisode de Black Mirror ! D’où vous est venue l’inspiration ?
La référence à Black Mirror nous plaît car cette série aborde des concepts assez proches de ceux qu’on aime nous-mêmes aborder. Andrea et moi sommes passionnés par le genre cyberpunk d’un point de vue littéraire, notamment de part sa capacité à nous faire réfléchir sur des enjeux sociaux, cultures et économiques qui sont déjà dans l’actualité d’aujourd’hui.
Dans FORECLOSED, vous incarnez Evan Kapnos, un homme ordinaire, humble mais honnête. Sa vie va basculer du jour au lendemain lorsque l’entreprise pour laquelle il travaille fait faillite. Son principal concurrent, SecureTech Inc., profite de la situation et l’identité d’Evan, qui appartenait à son employeur, est désormais saisie pour être vendue aux enchères, le privant de travail et menaçant sa propre vie. Il ne faudra pas longtemps avant que Kapnos se rende compte qu’il est impliqué dans quelque chose de bien plus grand qu’il n’aurait pu l’imaginer, ce qui le forcera à prendre les rênes de son propre destin pour la première fois de sa vie.
L’idée nous est venue assez tôt car nous avons du faire face à la lourdeur du système, à la lenteur et à la froideur de la bureaucratie. Du coup, ça nous a interpellé, ce contraste entre l’identité « légale » – c’est-à-dire toutes les données et statistiques associées à un individu au cours de son la vie – et la personne à qui cette identité est réellement associée. Tout ce que nous achetons et possédons, nos dettes et nos impôts, les contrats que nous signons, le travail que nous faisons, même nos préférences d’achats, contribuent à créer une image de nous au sein d’un système juridique et bureaucratique qui régit notre société.
Dans le monde de FORECLOSED, cette construction sociale est poussée à l’extrême et l’identité légale est stockée dans un implant cérébral installé de force à la naissance. Tous les citoyens existent ainsi au sein d’un réseau où toutes les transactions sont effectuées et à travers lequel tous les services publics peuvent être utilisés. Mais l’utilisation de ces services a un coût, ce qu’on appelle la « dette d’identité ». En clair, en grandissant, votre dette s’accumule et lorsqu’enfin vous êtes en mesure de travailler, votre employeur rachète progressivement votre dette à l’État.
Les citoyens remboursent donc leur dette par le travail mais on comprend très vite que le remboursement de cette dette est quasiment impossible, sauf dans de rares cas. Vous pourriez penser aussi que cela fait écho à la dette que notre pays a accumulé au fil des années et vous auriez raison, ça a été aussi une source d’inspiration pour le jeu.
FORECLOSED est-il uniquement un jeu narratif axé sur une quête principale unique ou y a t-il des quêtes secondaires ?
FORECLOSED est une expérience narrative linéaire mais avec un rythme et un gameplay extrêmement variés et dynamiques. Le choix de la bande dessinée n’est pas anodin car cela permet non seulement de donner un look particulier au jeu, mais aussi et surtout d’enrichir l’expérience de moments extrêmement diversifiés. Il est possible de voir la même scène sous plusieurs angles et d’avoir souvent plusieurs interactions en même temps. Vous pouvez aussi vous concentrer sur certains détails ou regarder un grand espace dans son intégralité.
Dans le cas de FORECLOSED, ces nombreux gadgets narratifs font partie intégrante de l’aventure. Nous n’avons pas de cinématiques au sens classique du terme puisque chaque scène peut être vue différemment mais les différents lieux traversés s’enchaînent de manière extrêmement douce et conviviale tout en s’adaptant aux besoins de l’histoire. De même, nous avons des transitions interactives qui nous permettent de masquer totalement les chargements tout en maintenant un rythme narratif serré et engageant du début à la fin.
Est-ce que le jeu peut être joué en multi et si oui, peut-il être joué en local, en ligne ?
Non, il n’y a pas de mode multi-joueurs.
Est-ce que vous auriez quelques anecdotes à nous partager concernant le développement du jeu ?
Nous avons mis dans le jeu quelques “easter eggs“ mais c’est assez privé, seuls nos proches et nous-mêmes pouvons les comprendre. Toutefois, nous avons aussi ajouté quatre références à notre vie quotidienne, de petits détails comme par exemple le nombre de logements dans l’immeuble où vit Evan qui coïncide avec celui de l’immeuble où était situé notre ancien bureau. Nous nous sommes aussi inspirés vaguement de proches et de connaissances pour la création de certains personnages ou pour leur attribuer des noms.
Google vous a t-il accompagné pendant le développement et si oui, qu’avez-vous pensé de cet accompagnement ?
Comme c’est souvent le cas lorsqu’on développe pour une plateforme, celle-ci propose de nombreux services et outils de développement et Stadia ne déroge pas à la règle. Ils peuvent être utilisés en totale autonomie même s’il y a toujours un contact pour vous aider si besoin.
Stadia est une plateforme naissante et Google est toujours ouvert aux commentaires et aux améliorations – certaines choses ont même été modifiées pendant le développement de FORECLOSED. De manière générale, nous n’avons pas à nous plaindre.
Votre jeu est disponible sur PC, PS4 / PS5, XBox One / S / X, Switch et, bien sûr, Stadia. Est-ce qu’il y a des complexités particulières pour porter un jeu sur la plateforme de Google ? Combien de temps vous a t-il fallu pour y parvenir ?
Chaque plateforme a ses propres spécificités et ses “complications“. De manière générale, on préconise bien sûr de développer son jeu en gardant à l’esprit le fait qu’il puisse être porté. Bien entendu, la version Stadia nous a mis face à des situations inédites mais mis à part quelques points critiques, les méthodes de développement sont très proches de celles des autres plateformes.
On ne peut vous donner d’estimation de temps mais ce qui est certain, c’est que la plateforme de Google est largement capable d’adresser certains problèmes qui pourraient paraître effrayants comme par exemple, l’input lag, un problème incontournable qui se doit d’être résolu quand on joue en streaming.
Dans l’interview que vous avez accordé à Stadia Source, vous avez dit à voir décider de développer sur Stadia pour en tester les capacités. Est-ce qu’on peut s’attendre à l’implémentation de ses fonctionnalités exclusives (State Share, Stream Connect, Crowd Play, Crowd Choice, …)
C’est un jeu multi-plateformes et nous avons décidé de n’implémenter aucune de ces fonctionnalités exclusives. Nous nous sommes plutôt focalisés sur le fait de proposer une expérience en 60 fps et ce, même en 4K.