Google for Games Summit 2021 et Stadia : opération séduction dans le cloud

En début de semaine, Google a tenu son évènement annuel, le Google for Games Summit, dédié – comme son nom l’indique – aux jeux vidéo, sous toutes ses formes. Et une forme bien particulière attire bien évidemment toute notre attention : le cloud gaming et dans le cas présent, Stadia. Beaucoup avaient reproché à Google son absence à l’E3 il y a quelques semaines et à défaut d’avoir su totalement séduire les joueurs lors de ce moment-clé de l’industrie vidéoludique, Google a mis les petits plats dans les grands pour séduire les développeurs. De quoi faire plaisir indirectement aux joueurs, finalement. Passons en revue les différentes annonces effectuées ces derniers jours par la firme de Mountain View.

Précédemment, dans Stadia…

Parmi les nombreuses prises de parole programmées pendant le Google for Games Summit 2021, il y avait donc une Stadia Keynote de 55 minutes qu’on attendait quand même avec impatience, même si la première intervenante – Careen Yapp, membre de l’équipe de développement de Stadia – a annoncé dès les premières minutes qu’aucune annonce en terme de jeux ou de studios ne serait effectuée pendant cette intervention. On s’en doutait mais il valait mieux le rappeler. D’ailleurs, Careen Yapp devrait être une tête qu’on reverra souvent, d’autant plus qu’elle est loin d’être une novice dans le jeu vidéo : elle a travaillé chez THQ, Konami et Gakai avant d’atterrir chez Google.

L’objectif de cette première vidéo était d’effectuer un retour en arrière sur l’historique de Stadia et tout ce que Google a accompli depuis son lancement. On a tendance à ne pas y penser mais si Stadia est aussi solide techniquement aujourd’hui, c’est entre autres parce-que Google y travaille depuis presque dix ans ! D’abord dans l’ombre comme simple projet de recherche et développement puis plus concrètement avec le Project Stream, en partenariat avec Ubisoft : une version bêta en quelque sorte, qui permettait de jouer à Assassin’s Creed Odyssey depuis un navigateur Chrome et qui a permis d’esquisser les contours de ce qui allait devenir Stadia.

C’est en 2019 que tout s’est accéléré avec l’annonce officielle de Stadia au printemps lors de la Game Developers Conference suivi d’un lancement officiel en fin d’année. Un lancement, on le sait, qui s’est fait un peu dans la douleur mais qui était réservé à ceux qui souhaitaient soutenir la démarche de Google dans le monde du gaming. Le service était en effet d’abord ouvert qu’aux possesseurs de la Founder’s Edition, un pack contenant une manette Stadia unique et un Chromecast Ultra.

L’année qui a suivi a été tumultueuse du point des joueurs mais l’entreprise américaine a mené sa barque contre vents et marées. Tout d’abord, le service a été ouvert à tout le monde au mois d’avril 2020 en parallèle de l’arrivée du célèbre Battle Royale, Player’sUnknown Battlegrounds. Par la suite, Google a commencé à mettre en ligne les premières fonctionnalités uniques à Stadia comme Crowd Play et Crowd Choice, suivi de l’arrivée de versions démos des jeux et de l’accès gratuit à certains autres. Les free to play étaient enfin là avec Destiny 2 en tête de proue. Une année qui s’est terminée sous les meilleures auspices avec la sortie de Cyberpunk 2077 qui semble avoir très largement satisfait Google, même si le CEO a esquissé un sourire gêné en comparant les ventes entre plate-formes.

Des premiers pas timides vers les développeurs

Et c’est vrai, Stadia était l’une des meilleures plate-formes pour jouer au jeu de CD Projekt RED à sa sortie en décembre 2020. Le studio polonais faisait partie des quelques privilégiés ayant pu conclure un partenariat avec Google dans le but de porter leur jeu sur Stadia. C’était d’ailleurs l’une des deux casquettes de feu-Stadia Games & Entertainment – dont l’existence a été totalement passée sous silence lors de ce récapitulatif, comme une erreur de parcours qu’on souhaite oublier. Cette entité interne avait en effet pour objectif, entre autres, d’aider les partenaires de Google à porter leurs jeux sur la plate-forme.

En marge de ces partenariats, Google a créé le programme Stadia Makers qui permet à des studios indépendants d’obtenir cette même aide, voire même parfois pécuniaire, dans le but de les aider au portage de leurs jeux. Les élus sont peu nombreux mais jusqu’à maintenant, le programme a permis l’arrivée de plusieurs jeux indé de qualité comme Kaze and The Wild Masks ou Hundred Days et d’autres sont très attendus comme GRIME ou Foreclosed. Mais voilà, en raison de son architecture unique tournée vers l’avenir mais très particulière, être présent sur Stadia représente malgré tout pour les développeurs un coût que tous ne sont pas forcément prêts à encaisser, surtout sans un minimum de vue sur le long terme sur leurs investissements potentiels.

Opération Séduction dans le cloud

Pourtant, avec déjà plus de 180 jeux disponibles sur le catalogue et la possibilité de toucher plus de 100 millions de supports entre smartphones, ordinateurs et télévisions connectées, Stadia a de quoi attirer les partenaires. D’ailleurs, beaucoup de développeurs présents sur la plate-forme vantent ce mérite et cette accessibilité hors norme. Mais cela n’est pas suffisant, Google le sait très bien et semble avoir compris, depuis un moment déjà, qu’il faudrait cette même accessibilité du côté de ses partenaires existants et futurs.

La firme de Mountain View a ainsi profité de cette Stadia Keynote pour annoncer plusieurs mesures phares destinées à faire venir dans un futur proche de nouveaux partenaires sur sa plate-forme. La première d’entre elles est une mesure très forte puisqu’elle consiste à partager désormais les revenus issus de l’abonnement Stadia Pro. Désormais, lorsque vous jouerez à un jeu présent dans le catalogue Stadia Pro, 70% des revenus générés par le montant des abonnements (calculés sur un prorata par jeu et par session de jeu) seront reversés dans les poches des partenaires !

Dans le même ordre d’idée, Google prévoit d’instaurer, à partir du 1er octobre et au moins jusqu’à la fin de l’année 2023, un nouveau partage des revenus issus de l’achat des jeux et des micro-transactions. Alors que Google prenait 30% du gâteau, désormais ce chiffre tombe à 15% seulement, repassant aux 30% habituels au-delà de trois millions de dollars de revenus générés. Clairement une opportunité unique pour les développeurs les plus modestes et une aubaine pour nous, joueurs !

Google a également dévoilé un programme d’affiliation qui permet d’augmenter encore plus les revenus touchés par ses partenaires sur Stadia. En plus du partage des revenus de l’abonnement Stadia Pro mentionné plus haut, chaque partenaire touchera désormais 10$ par joueur convertissant son mois d’essai à Stadia Pro en abonnement payant si ces joueurs ont joué à l’un de leurs jeux disponibles via l’abonnement dans le catalogue. La conséquence de tout ceci pour nous, joueurs, est l’arrivée probable de plus de jeux encore dans l’abonnement Stadia Pro, une offre que beaucoup considèrent déjà très attractive !

L’attractivité passe aussi par la facilité à être sur Stadia

Probablement le plus gros point noir pour les partenaires qui n’ont pas encore nécessairement inclus Stadia de base dans leurs projets, la nécessité de porter les jeux qu’ils veulent publier sur la plate-forme de cloud gaming de Google. Stadia fonctionne sur une architecture Linux / Vulkan à laquelle les développeurs ne sont pas habitués ce qui nécessite un effort supplémentaire en temps, en ressources humaines et, donc, un effort financier. Et si les mesures précédentes visent à répondre au problème sur ce dernier aspect, Google travaillait aussi à l’amélioration de ses process et à l’élaboration d’outils facilitant le portage des jeux.

Le premier point sur lequel Google a travaillé concerne le processus de certification, cette phase souvent fastidieuse qui suit la publication d’un jeu et qui peut demander beaucoup de temps, par exemple jusqu’à deux semaines chez certains concurrents. Et ce n’est ainsi qu’au terme de cette phase qu’un jeu ou une mise à jour est réellement publié sur une plate-forme quelle qu’elle soit. En faisant un travail de simplification de cette phase, Google permet maintenant aux développeurs de gérer plus facilement leurs plannings et de consacrer moins d’énergie à cette étape.

Mais la plus grosse annonce reste sans doute celle de la publication d’un Stadia Porting Toolkit, autrement dit, une boîte à outils pour le portage sur Stadia. Tous les studios n’utilisent pas forcément Unity ou Unreal Engine pour la création de leurs jeux. Ces deux moteurs très connus dans le milieu sont en effet largement pris en charge par Stadia depuis son lancement mais beaucoup de développeurs utilisent des moteurs « maison » comme Ubisoft avec son moteur Snowdrop ou EA avec son moteur Frostbite.

Et même si Ubisoft et EA ont maintenant porté leur moteur sur Stadia, ce n’est pas le cas de tout le monde. Google propose donc désormais des outils permettant de convertir, en vulgarisant, un projet DirectX en projet Vulkan. Ce qui était un point positif exclusif à des plate-formes concurrentes comme Amazon Luna et une barrière d’accès à Stadia commence donc déjà à s’estomper. Cela devrait permettre à notre plate-forme préférée d’accueillir de plus en plus de jeux dans un avenir proche ! Sans parler des très nombreuses améliorations apportées aux différents outils de développement proposés par Google.

Cette Stadia Keynote est passée vite, très vite, et a été un condensé d’annonces qui n’ont malheureusement parlé qu’aux développeurs mais il en ressort un mouvement extrêmement positif de la part de Google. Entre l’augmentation des revenus perçus, le programme d’affiliation et les innombrables travaux menés pour faciliter encore plus le développement et le portage des jeux sur Stadia, “il n’y a jamais eu de meilleur moment pour apporter vos jeux sur Stadia“ comme l’ont répété à plusieurs reprises les différents intervenants. De quoi faire peut-être enfin taire ceux qui prétendent encore à torts et à travers que la firme de Mountain View va se débarrasser de Stadia bientôt voire que Stadia est déjà une plate-forme morte.

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